Le live, joker des cinémas ?
Concerts retransmis en direct, spectacles de stand-up, ballets, pièces de théâtre : le “spectacle vivant” occupe une place de plus en plus grande dans les programmations des salles obscures. Décryptage.
Le concert du rappeur Lomepal le 30 janvier dernier, Le malade imaginaire joué par la Comédie-Française depuis le théâtre Marigny le 14 mai prochain, ou encore le one woman show de Blanche Gardin Bonne nuit Blanche, retransmis en direct depuis le Zénith en mars 2019 dans plus de cent cinquante salles… Autant d’occasions, pour certains d’entre nous, d’aller pour une fois au cinéma. Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, les programmations des exploitants (Pathé, UGC, etc.) ne se limitent plus aux longs métrages de fiction ou aux documentaires, mais s’ouvrent de plus en plus aux spectacles vivants (concerts, opéras, ballets, etc.) que l’on va désormais voir, en live ou non, dans l’intimité d’une salle obscure. « Cela a débuté entre 2006 et 2008, lorsque le directeur du Metropolitan Opera de New York, grâce à l’opportunité technique offerte par le passage au numérique, a pris l’initiative de diffuser des concerts en direct dans une cinquantaine de pays », rappelle le sociologue du cinéma Fabrice Montebello.
Une initiative animée par une logique mercantile d’élargissement du public, conjuguée à une volonté pédagogique de démocratisation de spectacles encore parfois jugés élitistes. Entre septembre 2019 et mars 2020, huit spectacles, de La Traviata au Prince Igor, ont ainsi été programmés par l’Opéra de Paris au cinéma. Avec un succès qui ne se dément pas puisqu’en dix ans, ce sont près de cent cinquante opéras et ballets de l’institution qui ont été diffusés dans plus de trois cent cinquante salles (Europe, Canada, Australie).
Une dynamique de séduction des plus jeunes
Depuis, le mouvement s’est étendu aux retransmissions sportives, one man shows et autres concerts de pop stars, pour former une catégorie du CNC baptisée « hors films ». Avec un discours basé sur une dynamique de séduction des plus jeunes, une génération Netflix and chill à garder, voire à attirer entre les murs des salles obscures. En effet, selon les chiffres du CNC, 2017 a vu la pyramide des âges s’inverser en termes de fréquentation. Et, pour la première fois, les 60 ans et plus ont enregistré un nombre moyen d’entrées plus élevé que celui des moins de 25 ans. Mais si stratégie de rajeunissement il y a, elle aurait pour le moment des effets plus que modestes. « Si on ne dispose pas encore d’études sur la sociologie des publics de ces spectacles, on peut noter qu’ils représentent aujourd’hui un gain économique marginal », souligne Fabrice Montebello. De fait, le secteur a beau avoir connu une augmentation de 10 % en 2018, il ne totalise que 2 % des recettes totales du cinéma. Les spécialistes du secteur évitant pour le moment de se faire trop de films.