Le trésor de Pialat
« C’est la plus belle chose que j’aie faite », avait coutume de dire Maurice Pialat. Le réalisateur le plus tempétueux du cinéma français a aussi réalisé une oeuvre sereine, et c’était pour la télévision en 1971 : La maison des bois, série (on disait alors feuilleton) de sept épisodes évidents et solaires, chronique d’un petit village français pendant la Première Guerre mondiale. Alors que le cinéaste tourne sa série à l’été 69, son producteur Yves Laumet fait la navette entre les trois tournages dont il a la charge à ce moment-là : La maison des bois dans l’Oise, Du côté d’Orouët de Jacques Rozier en Vendée, Le petit théâtre de Jean Renoir dans le Midi, tout ça pour la télévision : l’ORTF de l’époque avait, décidément, un petit côté HBO. Pialat a adoré l’expérience, filmer cette histoire d’un garde- chasse et de sa femme qui accueillent trois petits Parisiens mis au vert par leurs parents pendant la guerre. Livrés à eux-mêmes, en pleine nature, cela donne six heures de courses dans les bois, de pique-niques ensoleillés, de digressions renoiriennes. Avec, quand même, la guerre qui gronde au loin et se reflète par moments dans le regard inquiet du bouleversant petit Hervé Lévy, héros fil rouge du feuilleton. « Ces heures de rushes sont ce que j’ai vu de plus beau dans ma vie », se souviendra le producteur de son premier contact avec ces plans-séquences qui coulent comme des rivières, limpides et vivantes. Une véritable clairière dans la filmographie par ailleurs plus douloureuse du cinéaste.