Katherine Johnson
le nombre d’assiettes «JE COMPTAIS MES PAS JUSQU’À L’ÉGLISE, à laver, les étoiles dans le ciel… Tout ce qui pouvait être compté, je le comptais…» Mais comment faire d’une telle obsession enfantine un métier, quand on est une jeune femme noire née en 1918 dans une petite ville de Virginie occidentale, en pleine période ségrégationniste? D’un milieu modeste, les parents de Katherine Johnson déménagent afin que leur fille poursuive ses études dans un lycée réservé aux Noir·es: elle y fait des prodiges en mathématiques. L’université est à sa portée sauf qu’elle se marie, fait trois enfants et enseigne pendant une dizaine d’années. Elle attendra 1953 pour intégrer l’ancêtre de la NASA: on y recrute des «computers». Le terme, désigne à l’origine «celui-celle qui calcule». Et Katherine Johnson calcule très bien. À la main, et de tête. Du moins, sur une sorte de grosse calculatrice. Dans son service, il n’y a que des femmes noires, en bas de la pyramide professionnelle dominée par les ingénieurs blancs. Mais Katherine Johnson est si douée en géométrie, à une ère où la compète fait rage avec les Russes, qu’elle devient la meilleure pour déterminer la trajectoire des premiers vols dans l’espace. Tout change en 1962, quand l’astronaute John Glenn s’apprête à effectuer le premier vol orbital autour de la terre côté américain. Les «electronic computers », qui sont en train de remplacer les humains, ont calculé l’orbite de Glenn. Or l’ex-pilote
de chasse et futur sénateur n’a pas confiance dans les machines. À quelques heures du départ, il lance: «Je veux qu’elle vérifie tout. Si elle dit que les chiffres sont bons, j’y vais. » Katherine Johnson vérifie, les chiffres sont bons, John Glenn décolle et devient un héros. Elle a ensuite participé aux calculs du programme Appolo vers la Lune en 1969, et fini sa carrière à la Nasa. Cette vieille dame très chic est morte en début d’année, à 101 ans. Héroïne sur le tard, elle avait été décorée par l’ex-président Barack Obama de la plus haute distinction réservée aux civils, et a inspiré un film emballant, Les figures de l’ombre. À (re)voir !
(*) De Theodore Melfi (2016), avec Taraji P. Henson.