“En Biélorussie, les femmes ont tout à gagner de la révolution”
La Biélorussie est un régime autoritaire, pour ne pas dire une dictature. Qu’est-ce qui a déclenché cette révolte?
Les Biélorusses instruits, en lien avec le monde grâce aux réseaux sociaux, sont furieux de la mauvaise gestion du Covid-19 par Alexandre Loukachenko, qui n’a même pas daigné élaborer un programme pour décrocher son sixième mandat. Et a jeté en prison les candidats qui lui portaient ombrage : le blogueur Sergueï Tikhanovski et Viktor Babaryko, un banquier donné gagnant au premier tour avec 53 % des voix, contre 3 %. Puis lors des élections sans observateurs internationaux, des geeks ont filmé, entre autres, une membre d’une commission électorale entrer dans un bureau pour en extraire des sacs de bulletins de vote. Tout a été grotesque. Des sondages estiment que Svetlana Tikhanovskaïa, qui a remplacé son mari emprisonné, aurait récolté 60 à 80 % des voix.
Réfugiée en Lituanie, «la Jeanne d’Arc biélorusse» est-elle une alternative possible ?
Non, Svetlana Tikhanovskaïa prévient qu’elle ne participera pas aux prochaines élections. Mais des vrais opposants vont apparaître. Il est étonnant que cette opposition, sans leader, dans un pays dictatorial où pendant plusieurs jours Internet était inaccessible, ait pu grâce aux SMS s’organiser et maintenir la pression. Et les femmes y jouent un rôle très important. Le 29 août, des centaines ont organisé une marche toutes en blanc avec des drapeaux nationaux et des fleurs. C’était spectaculaire.
Les femmes ont-elles tout à gagner de cette révolution?
Oui, car comme dans tout l’espace postsoviétique, la Biélorussie est un pays où les femmes sont les responsables du foyer, ou bien elles sont des travailleuses, mais peu ont une vocation politique, du moins jusque-là. Mais récemment en Russie, des mouvements de type #MeToo dénoncent le machisme, le harcèlement, les viols. La Biélorussie est sur la même longueur d’ondes que la société civile russe.
Quel rôle peut jouer Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature biélorusse?
Elle fait partie du praesidium du Conseil de l’opposition. Elle s’est adressée à Loukachenko en l’appelant à quitter le pouvoir. Pour autant, je ne pense pas qu’elle souhaite prendre la tête du mouvement. Sa voix aurait pourtant été entendue par le monde entier… Mais elle avoue avoir des ennuis de santé et n’a pas le tempérament d’un tribun. Elle dit souvent que la place de l’écrivain n’est pas sur les barricades. Mais, si la situation devient critique, on l’entendra!
(*) Auteure de Le régime immortel: la guerre sacrée de Poutine, éd. Premier Parallèle.