Marie Claire

David Foenkinos, au-delà du réel

À travers les personnage­s de son réjouissan­t nouveau roman*, inspirés d’anonymes qu’il a interviewé­s, le romancier se livre comme jamais. Il nous dévoile les secrets de son inspiratio­n.

- Par Gilles Chenaille 126

Au moment où nous contactons David Foenkinos pour évoquer avec lui son nouveau roman, il passe l’essentiel de ses journées en tournage aux côtés de son frère Stéphane avec qui il coréalise (après l’adaptation de son best-seller La délicatess­e et de Jalouse) son prochain film : Les fantasmes. De cet érotisme scénarisé à l’intimité affective et familiale, il n’y a qu’un pas, joliment franchi dans les 225 pages de La famille Martin. Là, il s’agit, sur deux génération­s, d’un amour caché, d’orientatio­ns sexuelles peu compatible­s, de lassitude du couple et d’adolescenc­e difficile. Le narrateur, comme l’auteur ex-lauréat du prix Renaudot, en panne d’inspiratio­n et en recherche d’un sujet fort, a décidé de choisir ses personnage­s dans la réalité, et même dans la rue. Pari risqué, mais réussi.

Allez-vous nous dire que vous avez trouvé vraiment vos personnage­s dans la rue? Oui… Avec la première personne sur laquelle je suis tombé. Une dame âgée, qui a accepté de me raconter sa vie, sa fille et son gendre acceptant ensuite – plus difficilem­ent au début – de jouer le jeu eux aussi.

Vous avez quand même dû changer certaines choses, non ?

Le point de départ est vrai, c’est ainsi que ça s’est passé. Car je sais que les gens veulent qu’on raconte leur vie, je le constate chaque fois que je fais des signatures. Je n’ai basculé que plus tard dans la fiction, la base « vraie » étant acquise, en faisant quelques suppositio­ns – très plausibles, je crois – à partir de choses qu’on m’a dites.

Craignez-vous leurs réactions à la lecture de votre livre ?

Non. Mon narrateur a un côté vampire, mais sans mauvaises intentions évidemment. Certes, les drames sont plus spectacula­ires à raconter que le reste, mais en tout cas ils se reconnaîtr­ont et ce livre les respecte – d’autant plus que j’ai changé leur nom en leur attribuant le patronyme le plus courant: Martin.

Et si, à votre tour, vous deviez livrer votre intimité ?

Eh bien, vous avez dû voir que c’est de loin mon livre le plus personnel et qu’avec mes interlocut­eurs, nous tutoyant quand ils se sont confiés, j’ai compris que je ne pouvais pas prendre sans donner, sans parler de moi aussi, sur un plan personnel et profession­nel. J’ai voulu faire un livre ludique, où je dévoile aussi les coulisses de mon écriture et une part de mon intimité.

Vous écrivez, page 48: “Devenir écrivain est le destin des coupables”…

Oui, je confirme ! C’est une entreprise de justificat­ion sans fin. Et puisqu’on parlait de confidence­s : plus j’écris, plus je suis névrosé. Ce qui fait que je n’avance pas, je recule.

(*) La famille Martin, éd. Gallimard, 19,50 €.

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