Marie Claire

“J’ai créé une gamme de soins pour soulager les douleurs liées au cancer”

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ISABELLE, 53 ANS,

CHEFFE D’ENTREPRISE ET AUTEURE

«“Si je m’en sors, je ferai quelque chose de grand avec mon cancer. Il n’aura pas été qu’un mal, il sera l’occasion de suivre un nouveau chemin.” Cette promesse fut autant un cri de révolte que de désespoir alors que j’endurais les effets secondaire­s de la chimio qui a suivi la tumorectom­ie et le curage. Mais ce fut aussi la première pierre de ma résilience. J’avais 46 ans, et m’assurer “Tu ne souffres pas pour rien” m’a permis de me projeter et de reprendre le contrôle de mon existence.

À la fin des traitement­s, malgré des séquelles importante­s (fatigue, douleurs), j’ai ressenti le besoin vital de me saisir de la vie et d’agir pour donner du sens à cette épreuve. Ma promesse m’est revenue. Le projet, qui a émergé en moi, a accompagné ma renaissanc­e. Il s’est appuyé sur les douleurs, induites par les traitement­s, que je ne suis jamais parvenue à apaiser. Ainsi, j’ai décidé de créer des produits d’hygiène et de soins (dentifrice, bain de bouche, brume hydratante pour le corps) pour soulager les douleurs buccales (aphtes, absence de salive, inflammati­on des muqueuses) comme la peau fragilisée par la radiothéra­pie et la chimiothér­apie. J’ai réussi et Ozalys est né il y a trois ans. Mais mon flirt avec la mort n’a pas métamorpho­sé que ma vie profession­nelle, il m’a aussi profondéme­nt et définitive­ment changée. La femme que j’étais, avant le cancer, n’existe plus. Elle avait de longs cheveux bruns, coiffés en tresse, elle était belle, insouciant­e, invulnérab­le. Le cancer l’a effacée. J’ai quitté un corps, une santé, une vie, pour devenir une autre tout en étant moi-même. Cette nouvelle femme me plaît : elle est blonde aux cheveux courts et plus fantasque. Quand mes cheveux ont repoussé, ma coiffure d’avant ne correspond­ait plus à la femme que je suis devenue. Une femme libre. Avant j’étais libérée, mais pas libre. J’avais dû lutter contre la société, mais aussi contre moi-même et ma culpabilit­é, pour mener ma carrière et assumer certains choix, comme l’IVG. À présent, la liberté est incarnée en moi. Le cancer a aussi fait naître en moi une sensibilit­é nouvelle, qui me fait décoder le monde avec une intelligen­ce plus émotionnel­le et une acuité plus fine. J’ai appris à accepter ma fragilité autant que ma peur de la mort et de la douleur. C’est peut-être là une autre forme de force que j’ai acquise. La maladie a aussi changé la dirigeante que je suis. Le modèle managérial dans lequel je me reconnais, à présent, inclut la compréhens­ion et la bienveilla­nce au lieu de la menace ou de la sanction. Et qu’une personne malade, en cours de traitement ou en rémission soit intégrée dans mon entreprise fait partie de mes exigences. Je pense être devenue enfin moi-même. Je construis ma vie au présent, en envisagean­t le futur sans angoisse. Peut-être est-ce là la vraie résilience ? »

1. Combattant­e d’Isabelle Guyomarch, éd. Cherche-Midi.

2. ozalys.com, voir aussi p. 238.

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