Marie Claire

La photo d’enfance de Laurent Laffite

L’acteur et réalisateu­r* se souvient du parfum de ses vacances auvergnate­s, dans la maison de village construite par son grand-père. De Josette, la voisine, du laitier d’en face et du son des cloches, par lequel il adorait être réveillé.

- Par Marina Rozenman

«J’AI 5 ANS. C’EST MON FRÈRE QUI A RETROUVÉ CETTE PHOTO prise par mon père. On habitait, à l’époque, au 22e étage de l’une des tours du Front de Seine. Paris 15e. Et on avait des lits superposés avec ma soeur, et je ne voulais pas dormir en haut parce que j’étais persuadé que King-Kong aller débarquer pour me choper, donc il fallait que je puisse me barrer (Il rit.) Là, c’est en Auvergne. Au coeur du Cantal. À 1 000 m d’altitude. On a une petite maison de village, que mon grand-père a construite en 1903 et qui est restée quasiment dans son jus avec ses papiers peints d’origine, etc. Et donc on y allait hiver comme été. En voiture, très seventies: fenêtres fermées, cigarettes, cuir, Shalimar. Et en arrivant dans cet endroit sublime, je me souviens d’odeurs incroyable­s. D’herbe et de bouse. De la voisine qui s’appelait Josette. Du laitier qui travaillai­t en face. En fonction des saisons, j’allais assister aux traites ou je courais pour essayer de poursuivre le troupeau. Les vaches du coin? Ce sont des salers. Rousses, avec des cornes en lyre. Nous, nous n’avions pas de bêtes. Mais partout, il y avait des chiens, des poules ou des lapins. Lapins qu’on tuait devant mes yeux. En leur enlevant la peau, comme s’il s’agissait d’un petit pyjama. Tout ça fait un peu cliché mais en même temps c’est pour ce cliché-là que nous y allions. Sans que ce soit une espèce d’aération folkloriqu­e pour Parisiens en manque de verdure, puisque ce n’était pas une maison de location mais une maison de famille. Maintenant, aujourd’hui, je suis totalement agnostique. Mais entre les crucifix, les calvaires et toutes les églises en pierre de lave, je trouvais, petit, qu’il y avait quelque chose d’assez christique dans la région. Enfin, j’adorais être réveillé le matin par le son des cloches. Son des cloches qui avec les odeurs – et certaines saveurs – sont les seules choses que nous sommes sûrs d’avoir partagées avec toutes les génération­s qui nous ont précédé·es. »

(*) L’origine du monde, de et avec Laurent Lafitte, avec aussi Karin Viard et Vincent Macaigne. Et à l’affiche de Le côté de Guermantes au Théâtre Marigny, Paris 8e, pour la ComédieFra­nçaise, mise en scène de Christophe Honoré, jusqu’au 15 novembre.

“J’ai 5 ans. (…) On est au coeur du Cantal, dans la petite maison familiale. On y allait hiver comme été. Je me souviens d’odeurs incroyable­s en arrivant.”

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Laurent Lafitte en Auvergne, en 1979.

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