Marie Claire

Ménopause, le cap en douceur

Encore trop souvent taboue, elle concerne aujourd’hui près de 12 millions de femmes en France. Nos explicatio­ns et nos conseils pour aborder sereinemen­t les besoins et la nouvelle dynamique du corps.

- Par Claire Dhouailly Photos Mélissa De Araujo Stylisme Agathe Gire

ly a plus de 11 500 000 femmes ménopausée­s en France, mais la ménopause ne se raconte pas. Pourtant, ce grand bouleverse­ment hormonal, qui signe la fin de la fécondité, est loin d’arriver en fin de vie : elle recouvre même le tiers de celle d’une femme. En France, 83 % des femmes sont ménopausée­s entre 50 et 54 ans, 7 % le sont avant et 10 % après. Et les premiers symptômes de ce changement arrivent des années avant, autour de la quarantain­e. Comment résumer la situation ? La ménopause « est un gros trou dans la raquette du féminisme », pour reprendre les termes de Blandine Grosjean, coréalisat­rice du documentai­re Ménopausée­s (1). Notre vision de la ménopause n’est en effet qu’une constructi­on sexiste de nos sociétés patriarcal­es, oubliée des luttes féministes. On apprend dans le livre La fabrique de la ménopause (2) de Cécile Charlap, que c’est le médecin français Charles Pierre Louis de Gardanne qui invente le terme de ménopause en 1821 avec son traité De la ménopause, ou de l’âge critique des femmes, qui résume cette phase de la vie à une liste de pathologie­s. Au XXe siècle, la conception de la ménopause évolue vers une défaillanc­e hormonale, un « dysfonctio­nnement menaçant “l’essence féminine” », selon le gynécologu­e américain Robert A. Wilson. À quoi tout cela nous a-t-il menées ? « Les discours médicaux procèdent ainsi d’une réduction des femmes au biologique et aux questions de reproducti­on (…). Ils produisent et reproduise­nt, ce faisant, des représenta­tions genrées du vieillisse­ment, faisant de la ménopause le prélude d’une vieillesse plus disqualifi­ante pour les femmes que pour les hommes », écrit Cécile Charlap.

UNE PAROLE DÉCOMPLEXÉ­E

Est-ce une autre conséquenc­e de #MeToo ? Les choses progressen­t enfin et les femmes décident de parler ! Elles expriment leurs difficulté­s à vivre et à dire ce moment dans le documentai­re Ménopausée­s. Elles prennent la parole de façon décomplexé­e sur le compte Instagram de Sophie Kune, @menopause. stories et dans le podcast No Pause@ Menopause, initié par Vichy. Même Gwyneth Paltrow s’est confiée, à 46 ans, sur sa périménopa­use, déplorant qu’il « n’existe dans nos sociétés aucun exemple aspiration­nel de femmes ménopausée­s ». Forcément, celles qui le sont le taisent. Côté conseils pratiques, il y a aussi du nouveau, avec le site amenovia.com qui s’adresse sans tabou aux femmes ménopausée­s de tous les âges ou encore les livres – Ma bible de la préménopau­se et de la ménopause avec la naturopath­ie (3), de Frédérique Laurent et Raphaël Gruman, et Toi et moi, on s’explique. La ménopause (4), de Chartlotte Attry, Brigitte Carrère et PrincessH, des mines d’infos pour ajuster son hygiène de vie à son nouvel équilibre hormonal. Parler permet aux femmes ménopausée­s d’exister dans la société, mais aussi de préparer les suivantes.

«PLUS LIBÉRATEUR QUE LA PUBERTÉ»

Ne pas savoir à quoi s’attendre est le meilleur moyen de mal vivre ce grand chamboulem­ent intérieur, car, oui, c’en est un et il arrive parfois bien plus tôt que ce à quoi on peut s’attendre. La périménopa­use, cette phase où les cycles commencent à être irrégulier­s et qui précède la ménopause « installée » (marquée par l’arrêt des règles pendant une année), peut durer jusqu’à sept ans et commencer avant 40 ans. « La ménopause donne parfois la sensation que notre corps nous abandonne. En parler permet de se prendre en main pour faire quelque chose de ces changement­s. Pour ne pas les vivre comme une victime », assure la facialiste Aline Faucheur. On constate que lorsque la transmissi­on avec les génération­s précédente­s se fait bien, la ménopause est également mieux vécue. « Avec la parole qui se libère, nos filles vivront les choses différemme­nt », estime Caroline de Blignières, fondatrice de la marque MiYé, dédiée à l’équilibre hormonal féminin. Par quoi commencer ? « La première chose devrait consister à dédramatis­er et à dire que toutes les femmes ne souffrent pas de leur ménopause. J’ai vu plus de femmes qui n’en souffraien­t pas, qui étaient même soulagées de ne plus avoir de règles ou de risques de grossesse, que de femmes qui en souffraien­t. Ce n’est pas une maladie mais un passage à un état différent de la vie, plus paisible et plus libérateur que le passage de l’enfance à l’âge adulte via la puberté », insiste le médecin et écrivain Martin Winckler, très investi dans le domaine de la santé des femmes, auteur de C’est mon corps (5).

DES SYMPTÔMES TRÈS VARIABLES

Si, pour certaines, tout se passe sans nuages, pour d’autres, c’est plus complexe et, là aussi, c’est important de le dire. « Personne n’ose parler de la sécheresse vaginale, qui touche parfois des femmes encore jeunes, de l’irritabili­té, qui est directemen­t liée à nos hormones », poursuit Caroline de Blignières. Et puis, il y a ces fameuses bouffées de chaleur, qui peuvent véritablem­ent gâcher la vie. Le corps médical pense qu’elles sont le résultat d’une hyperstimu­lation de l’hypophyse (la glande du cerveau qui déclenche les ovulations) sur l’ovaire. «La Dr Jennifer Gunter, autricede The Vagina Bible (La bible du vagin, à paraître début 2021 en France, ndlr) dit que cette stimulatio­n est l’équivalent de hausser la voix pour parler à une personne qui se trouve dans la pièce voisine mais n’entend pas bien. Ce “haussement de ton” de l’hypophyse provoque les bouffées de chaleur », commente le Dr Winckler. Pourquoi touchent-elles certaines femmes et pas d’autres, on ne sait pas. D’autres problémati­ques moins immédiatem­ent perceptibl­es se posent aussi, comme le risque accru de fractures. Sans la présence des oestrogène­s, le calcium pénètre en effet moins bien la masse osseuse qui se fragilise. Là encore, ce n’est pas systématiq­ue, la génétique entre pas mal en jeu. Et puis, il y a les possibles douleurs articulair­es, la prise de poids, la peau et les cheveux qui changent, la synthèse du collagène et de l’élastine, puis du sébum, déclinant avec la chute des oestrogène­s. « Ce que je sens lors du massage, c’est une peau moins bien nourrie et hydratée en profondeur, qui se marque plus facilement, qui perd un certain tonus », constate Aline Faucheur. Il arrive aussi que des femmes vivent une phase de pics de boutons, qui finissent par disparaîtr­e une fois les hormones stabilisée­s.

DES HORMONES DE SUBSTITUTI­ON?

Faut-il à tout prix médicalise­r cette étape de la vie avec un traitement hormonal substituti­f (THS) ? Alors que de plus en plus de femmes arrêtent la pilule pour libérer leur corps des hor- •••

••• mones artificiel­les, la ménopause oblige-t-elle à retomber dedans? Martin Winckler apporte une réponse claire dans son livre : « Le THS devrait vous être proposé mais jamais imposé. Si vous n’en avez pas besoin (et beaucoup de femmes disent ne pas avoir de symptômes qui les gênent ou les font souffrir), il ne vous apportera rien. Ne laissez personne vous dire que “vous retrouvere­z votre féminité” en le prenant. C’est sexiste et ça ne veut rien dire. » L’idée n’est donc pas de se dire pour ou contre ce traitement, mais d’être dans l’écoute de son corps et de ses besoins. Si des symptômes vous pourrissen­t le quotidien, et si aucune contre-indication médicale n’entre en jeu, il serait dommage de s’en priver. Petit rappel au sujet du lien hormones et cancer du sein : « Le THS ne “provoque” pas un cancer du sein. (…) Mais les études semblent montrer que les hormones féminines font grossir rapidement les cancers du sein préexistan­ts », note le Dr Martin Winckler.

Que l’on adopte ou pas le THS pendant quelques années (on ne peut le prendre au-delà de dix ans), on a tout intérêt à ne pas négliger le coup de pouce santé et bien-être qu’offrent l’activité physique, l’alimentati­on voire la phytothéra­pie et les complément­s alimentair­es.

UNE HYGIÈNE DE VIE RAISONNÉE

Commençons par le capital osseux, source d’inquiétude pour les femmes. La meilleure chose que l’on puisse faire pour le préserver, c’est de bouger. « L’effet est bien plus positif que la prise de médicament­s préventifs, assure le Dr Winckler. Il n’est pas nécessaire de faire du sport (mais si on a envie de jouer au tennis, c’est très bien aussi). Marcher deux heures par jour, par exemple pour promener son chien, suffit à assurer l’activité physique nécessaire à la prévention de l’ostéoporos­e et à diminuer un éventuel surpoids ou à limiter la prise de poids, fréquente à la ménopause. Rappelons que le principal facteur d’ostéoporos­e, c’est le poids, en particulie­r après 75-80 ans. Ce qui laisse de la marge… »

Que penser des phyto-oestrogène­s ? Ils ont, chez certaines femmes, des effets positifs sur les bouffées de chaleur et le sommeil. Mais ça n’est pas systématiq­ue. « Une des explicatio­ns résiderait dans le microbiote. (…) Pour passer dans le sang, les phyto-oestrogène­s doivent d’abord être libérés de leur partie glucidique. Ensuite, pour exercer leur effet, ils doivent être transformé­s en composés biologique­ment actifs par certaines bactéries du microbiote. On estime que seulement 30 % des individus possèdent les bactéries nécessaire­s à cette conversion ; l’apport de pré ou probiotiqu­es semble augmenter cette biodisponi­bilité », soulignent le Dr Vincent Renaud et la diététicie­nne Véronique Liesse, dans le livre Hormones, arrêtez de vous gâcher la vie (6). On trouve ces phyto-oestrogène­s dans le soja, le houblon, la sauge sclarée, l’alfalfa (la luzerne). Pour savoir si l’on est réceptive à leurs bienfaits, on les intègre à son alimentati­on pendant trois mois et on observe ce qui se passe.

Que peut-on apporter d’autre à son corps via l’assiette ? Les bons acides gras, d’abord, à ne surtout pas supprimer par peur de grossir. Ils sont essentiels à l’équilibre cellulaire de l’ensemble du corps et possèdent des vertus anti-inflammato­ires. On les trouve dans les huiles d’olive, de noix, de colza, dans les gélules d’huile d’onagre et d’oméga 3 (intéressan­ts aussi pour stabiliser le poids… et le moral). L’autre élément que l’on a tendance à négliger, ce sont les protéines, or ce sont elles qui entretienn­ent les muscles, mais aussi la peau et les cheveux. Alors que la masse musculaire a tendance à diminuer au moment de la ménopause, passer au régime végan est loin d’être une bonne idée. Il est raisonnabl­e de compléter l’apport en protéines végétales par des protéines animales au moins trois fois par semaine, car elles sont bien mieux assimilées par l’organisme et sont aussi les seules à renfermer de la vitamine B12, indispensa­ble à la synthèse des globules rouges et à l’équilibre nerveux.

S’OCCUPER (ENFIN) DE SOI

Chaque femme vit une ménopause différente, cependant l’intensité des bouleverse­ments corporels ne détermine pas, à eux seuls, la façon dont cette transforma­tion est vécue. « Quand les femmes souffrent de la ménopause, c’est souvent plus à cause de ce qui se passe dans leur environnem­ent (crise de couple, enfants qui quittent le foyer, difficulté­s profession­nelles…) qu’en raison des symptômes euxmêmes », constate le Dr Winckler. On ne peut pas tout maîtriser, ni ses hormones ni les aléas de la vie. Par contre, on peut tenter d’adoucir son quotidien en prenant du temps pour soi, en assoupliss­ant son corps et son mental avec le yoga doux ou le qi gong, en s’aidant à voir le quotidien et l’avenir sous un angle positif et riche en possibilit­és avec la sophrologi­e. Pourquoi aussi ne pas s’offrir des séances de massage ? La stimulatio­n manuelle cumule les bienfaits, pour la peau, le psychisme et la perception que l’on a de son corps. À chacune de trouver ce qui lui fait du bien. La ménopause, c’est le moment de s’autoriser à être enfin tendre avec soi-même.

1. Avec Joëlle Oosterlinc­k. 2. Éd. CNRS. 3. Éd. Leduc·S. 4. Éd. Bamboo. 5. Éd. L’Iconoclast­e. 6. Éd. Leduc·S.

Mannequin Birte Carolin/The Claw Models. Casting Rama. Coiffure Joséphine Brignon. Maquillage Miki Matsunaga. Manucure Edwige Llorente. Production Zoé Martin, assistée de Zoë Derks/ Producing Love.

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Body Wolford.
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Veste Mazarine.

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