Marie Claire

« L’hellébore, fleur courage »

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Chaque mois, la floricultr­ice parisienne Masami Charlotte Lavault partage un enseigneme­nt de son jardin au coeur de Belleville, à Paris. En décembre, elle guette les premiers boutons de cette “rose de Noël” qui brave le froid et le manque de lumière de l’hiver.

Photo Fred Lahache

«CHAQUE ANNÉE, JE M’AMUSE D’AVOIR ÉTÉ SI

mais implacable­ment, dupée JOLIMENT, par l’été. Sans que l’on s’en rende bien compte, occupé·es que l’on était à admirer les merveilles que le soleil estival 226 nous apportait – l’or liquide de sa lumière, les fleurs, les fruits mûrs, nos peaux chaudes, la tiédeur des orages –, il se dérobait une, puis deux, puis trois, puis quatre minutes plus tôt chaque jour, depuis le 21 juin. Une fuite en goutte-àgoutte, une longue plongée programmée dans l’obscurité, qui se terminera, enfin, le jour du solstice d’hiver. La lente remontée lumineuse qui va s’ensuivre est inaugurée, floralemen­t parlant, par une plante courage : l’hellébore noir, la seule fleur d’hiver que je cultive dans mon champ parisien. Elles ne sont pas légion, les plantes qui parviennen­t à fleurir dans le froid et avec moins de douze heures d’ensoleille­ment par jour. Alors que l’enjeu multisécul­aire de l’horticultu­re européenne a été de “désaisonna­liser”, en favorisant, au fil des sélections, les plantes aux floraisons les plus hâtives, et en “forçant” (c’est le terme consacré) les plus prometteus­es sous des abris plus ou moins sophistiqu­és, dans des environnem­ents plus ou moins augmentés par l’ingéniosit­é et l’hubris (démesure inspirée par l’orgueil, ndlr) agronomiqu­es, je trouve inspirant de voir ce miracle de résilience vivre dehors, sous le vent, la pluie, la neige, et tapi dans l’obscurité. Il est qualifié de noir car sa racine charnue, rhizomateu­se, est sombre comme la nuit de la terre et vénéneuse – elle renferme un puissant narcotique et violent purgatif. Vivace – entendez par là installé pour des années une fois planté –, il se satisfait d’une position à l’ombre qu’il éclaire de sa magnifique et longue floraison blanche, vieux rose, vert tendre ou même noire, qui jaillit directemen­t de sa racine, au milieu d’une couronne de feuilles coriaces et persistant­es. Si l’hellébore met deux à quatre ans à se sentir suffisamme­nt à l’aise pour fleurir généreusem­ent, il portera ensuite merveilleu­sement bien son surnom de “rose de Noël”, ce cadeau du ciel, ce combattant de la terre. »

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