Think Tank Marie Claire Agir pour l’Égalité : 100 propositions
C’est à la prestigieuse Maison de l’Unesco que s’est déroulée la clôture du Think Tank Marie Claire Agir pour l’Égalité, en association avec le Connecting Leaders Club*. L’année écoulée, riche en échanges et idées, a permis la rédaction de cent propositions concrètes en faveur de l’égalité femmes-hommes, réunies dans un Livre blanc et remis aux pouvoirs publics et aux grandes entreprises.
En ouverture, la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth Moreno, a appelé à déconstruire les clichés et les stéréotypes vis-à-vis des femmes et des minorités. Pour le monde de l’entreprise, dit-elle, cela suppose «un management innovant, éclairé, d’équité et d’efficacité », car « trop longtemps marginalisées, les femmes doivent trouver un statut non pas identique mais symétrique».Une position « en phase », selon ses mots, avec les 100 propositions du Livre blanc du Think Tank Marie Claire en matière de santé, mobilité, emploi ou lutte contre les violences faites aux femmes. Car il y a urgence: en 2020, 86% des PDG des grandes entreprises mondiales sont des hommes; 87 % des femmes en France ont été victimes d’une forme de harcèlement dans les transports publics; 94 000 femmes majeures ont été victimes de viol ou tentatives de viol; en 2019, 146 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.
«257 ANS POUR COMBLER LES ÉCARTS DE SALAIRE»
La lutte contre les stéréotypes doit donc devenir une priorité, dès le plus jeune âge. Comme l’a souligné Gwenaelle Avice-Huet, directrice générale adjointe du groupe Engie et directrice générale Engie Amérique du Nord, « les femmes sont écartées par des biais inconscients, parce qu’on a des référentiels déconnectés de la réalité ». Des solutions existent et passent par la pédagogie. Olivier Derrien, directeur général Salesforce France, explique que tou·tes les salarié·es ont l’obligation de suivre un parcours de formation sur l’égalité et la découverte de ces biais. Philippe Zaouati, directeur général de Mirova, filiale de Natixis, en est conscient: «Quand on oublie 50% de sa population, on est forcément moins performant.» Il exhorte à investir dans les entreprises dans lesquelles les femmes occupent des rôles de dirigeantes. « Sinon, dit-il, à ce rythme-là, selon les chiffres du World Economic Forum, il faudra 257 ans pour combler les écarts de salaire. » Les femmes touchent, selon l’INSEE, 18,5 % de moins que les hommes en France. De son côté, Julie Ranty, managing directrice de VivaTech, incite elle aussi à «changer les critères et la culture d’investissement », pour que les start-up avec des femmes à leur tête soient mieux financées. Comme l’a noté Valérie Faillat-Proux, déléguée générale de la fondation Sanofi Espoir lors de la table ronde «Agir pour l’égalité des femmes dans la santé», le but est bien de « pousser les femmes à sortir de l’ombre».
LE TRAVAIL AU NOIR PRÉCARISE LES FEMMES
Pas de liberté des femmes sans travail déclaré. En ce sens, Guillaume Richard, PDG et fondateur de Oui Care, leader du service à la personne, a expliqué lors de la table ronde « Agir pour renforcer l’autonomie financière des femmes» la position de son groupe, qui en compte 94 % : « Quand je travaille au noir, je n’ai aucun bulletin de paye, ça veut dire que je ne peux ni louer, ni emprunter, ni quitter mon conjoint si ça se passe mal.» En résumé, le travail au noir, c’est la précarité.
Comment en finir avec l’éternelle culpabilité de nombreuses mères qui font carrière ? Maître Carine Denoit-Benteux, avocate au barreau de Paris, témoigne : « Il y a dix ans, j’étais la plus jeune femme du conseil de l’ordre. J’ai eu beaucoup de difficultés pour encourager les femmes à prendre le devant de la scène.» Ça ne «roule» pas mieux côté transports, car « ils ne sont pas conçus pour les femmes», constate Véronique Haché, économiste des transports. L’objectif: des services et des offres adaptés aux parcours complexes entre travail, école et courses. Marie-Pierre Badré, conseillère régionale, déléguée spéciale auprès de la présidente de la Région Île-de-France sur l’égalité femmes-hommes, présidente du centre Hubertine Auclert, suggère la prise en compte des femmes lors des appels d’offres, et rappelle que «rien ne s’est fait en matière d’égalité de genre sans le passage de la loi. Il n’y a pas de dynamique volontariste».
LES QUOTAS AU COEUR DES DÉBATS
Justement, faut-il imposer des quotas de femmes par la loi à la tête des entreprises, sur le modèle de la Loi Copé-Zimmermann, qui oblige les conseils d’administration des entreprises de 500 salariés à compter 40% de femmes dans leur CA ? Contre : Maître Christian Saint-Palais, président de l’association des avocats pénalistes. Pour: Maître Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB). Il·elles ont chacun défendu ces positions lors d’un faux mini-procès, sous la présidence de Maître Michèle Anahory, avocate du barreau de Paris. Maître SaintPalais a alerté sur les conséquences des quotas pour les jeunes hommes talentueux «qui n’auront pas ménagé leurs efforts et qui se verraient refuser un poste». Selon Maître Féral-Schuhl, cependant, «il a fallu des quotas pour que l’Assemblée nationale accepte de faire une place à la moitié féminine du peuple».
En charge du rapport sur la place des femmes dans les médias en période de crise, la députée LREM Céline Calvez approuve: «Sans les quotas, je ne serais pas députée. » Au cours de la table ronde «Agir pour lutter contre les stéréotypes dans les médias et la culture», les intervenantes ont évoqué le faible nombre de femmes sur les plateaux télé, parmi les experts invités à analyser les crises que nous traversons. Pour Laura Boulet, directrice générale adjointe affaires publiques et développement de l’Union des marques, changer la représentation des femmes dans les médias est « un levier transversal d’action pour transformer les comportements, même si cela peut sembler anecdotique par rapport aux problématiques de violences, de santé ou d’égalité salariale ». La célèbre citation de Simone de Beauvoir, rappelée par Valérie Hoffenberg, présidente du Connecting Leaders Club, a résonné comme un avertissement : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.»
(*) Les tables rondes, qui réunissaient des décideur·ses du privé et du secteur public, sont visibles en ligne sur marieclaire.fr
À gauche Au premier plan: Valérie Gaudart (Engie), Gwenaëlle Thebault (Groupe Marie Claire), Élisabeth Moreno (ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances), Valérie Hoffenberg (Connecting Leaders Club), Sandrine Charnoz (RATP), Hervé Navellou (L’Oréal). 2e rang : Élisabeth Richard (Engie), Christiane Féral-Schuhl (Conseil national des barreaux), Cécile Tricon-Bossard (Natixis), Philippe Zaouati (Mirova), Jean-Luc Chetrit (Union des marques), Jacques de Peretti (AXA). 3e rang: Corine Goldberger (Marie Claire), Bibiane Godfroid (Newen), David Mahé (Syntec Conseil), Olivier Derrien (Salesforce), Corinne Lecoustey (Sanofi). 4e rang: Catherine Durand (Marie Claire), Katell Pouliquen (Marie Claire), Laetitia Bolloni (Sanofi), Pascale Giet et Thierry Mallet (Transdev), Guillaume Richard et Virginie Calmels (Oui Care), Arnaud de Contades (Groupe Marie Claire), Jullien Brezun (Great Place to Work).