Nellie Bly
Infiltrée en usine, dans un asile ou défiant le héros de Jules Verne, cette journaliste américaine, engagée aux côtés des plus fragiles, a redéfini l’essence du métier de reporter.
Issue de la classe moyenne, tôt orpheline, Nellie Bly* arrive en 1885 à Pittsburgh. Elle a 21 ans, sa carrière démarre en trombe. Le journal Pittsburg Dispatch déplore que les femmes ne sachent plus coudre ni cuisiner? Elle adresse une missive cinglante au rédacteur en chef. Intrigué, il la rencontre et l’embauche. La méthode Bly s’impose vite: raconter les choses de l’intérieur. Ses reportages dans les usines exposent les conditions de travail indigentes des ouvrières. Mais ces investigations provoquent la colère des industriels: on la relègue aux rubriques «féminines». Le jardinage, la mode. Qu’importe: elle part au Mexique et en tire un livre, aussi pittoresque qu’engagé. De retour, elle travaille pour le quotidien New York World. Mais que dénoncer? Comment agir? Elle se fait hospitaliser dans un «asile de fous», où elle consigne hurlements, cruauté des soignants… Le reportage provoque un séisme, qui contribue à améliorer les conditions d’internement en psychiatrie. Nellie Bly est une star! Son nouveau but? Battre le record de Phileas Fogg, le héros fictionnel de Jules Verne, en bouclant le tour du monde en moins de 80 jours. Sponsorisée par le New York World, elle tient en haleine les lecteurs qui suivent son périple entre trains et bateaux à vapeur, contrées lointaines et… rencontre avec Jules Verne. Sans jamais quitter sa robe longue, son pardessus et un petit sac de voyage, elle revient à New York triomphalement, 72 jours après. Une foultitude de livres et biographies lui est consacrée. Mais elle quitte le journalisme pour épouser un riche industriel, plus âgé. À la mort de ce dernier, elle reprend les rênes de l’empire avec l’idée d’améliorer le sort des ouvrier·ères. Hélas, elle s’avère piètre gestionnaire. C’est la faillite et le retour à l’écriture. Nellie Bly est envoyée en Europe pour «couvrir» la Grande Guerre. Elle meurt d’une pneumonie en 1922, à 57 ans. Aux États-Unis, sa vie devient une histoire merveilleuse qu’on raconte aux enfants, puis tombe dans l’oubli. Mais elle réapparaît depuis quelque temps via des biographies et bandes dessinées. Et on peut aussi la lire en français!
(*) Auteure de 6 mois au Mexique, éd. du Sous-Sol, 10 jours dans un asile, éd. de poche Points et Le tour du monde en 72 jours, éd. de poche Points.