Comment apaiser les enfants que l’actualité angoisse ?
Questionnements anxieux, repli sur soi, troubles compulsifs: les enfants et les adolescents aussi sont affectés par l’actualité de cette fin d’année particulière. La psychologue clinicienne* nous livre les mots et les clés d’un dialogue clair et rassurant.
Face à ces nouvelles chaotiques, comment soulager nos enfants de leurs angoisses sans les submerger par les nôtres?
En leur parlant. C’est fondamental. Esquiver leurs questions ou les ignorer, faire comme si rien ne se passait, alors que les chaînes d’infos tournent en boucle, sont les pires choses à faire.
On leur dit quoi, concrètement?
Un enfant qui pose une question ne la pose jamais par hasard. Il a besoin de savoir que vous êtes là. Il faut commencer par leur dire qu’ils ne sont pas – et ne seront jamais – seuls dans cette période. Ce premier message à leur intention est crucial. Ce sont de véritables «éponges à émotions». Être dans le déni est la pire attitude à adopter. Leur parler, quel que soit leur âge, c’est notre responsabilité de parents. Tenir un discours positif est indispensable.
Ne risque-t-on pas, parfois, d’être dans l’angélisme béat?
À partir du moment où on dit: « Ce virus, on va le dépasser, mais oui, je suis stressée, fatiguée et inquiète, je ne vais pas te mentir», l’enfant gère mieux son angoisse. C’est se réassurer mutuellement, faire front ensemble. Le traumatisme fige le temps. Il faut donc sortir de sa temporalité. Leur expliquer qu’on a des ressources, individuellement et collectivement. Leur rappeler que l’humanité a fait face à d’autres catastrophes et que l’on en est sorti. Pour cela, on leur donne des exemples historiques, comme la peste, les Première et Seconde Guerres mondiales. On peut aussi faire référence à ses propres expériences. Je suis d’une génération qui avait 20 ans quand le Sida est apparu et que l’on pensait tou·tes alors qu’aimer, avoir une vie sentimentale et sexuelle, devenait soudain un risque mortel et que notre avenir était irrémédiablement fichu. Mais on en est sortis! C’est ce que j’explique à mes enfants qui sont en fac. C’est tellement difficile pour les jeunes, dont la scolarité et les études sont bouleversées et les lieux de vie fermés. Sans compter le message récurrent culpabilisant qui les désigne comme «dangereux» pour leurs parents et grands-parents.
Ces derniers mois, des parents ont vu leur enfant glisser vers des comportements inquiétants: repli, TOC… Quand faut-il consulter? J’aurais tendance à dire qu’il ne faut pas voir un psy d’emblée. Les périodes de confinement sont des périodes de deuil, à commencer par celui du quotidien. Cela peut réactiver des troubles anxieux et des régressions. On s’inquiète quand on constate que nos paroles ne les rassurent pas, qu’ils s’isolent ou ont des comportements compulsifs. On ne laisse pas la situation s’enkyster. Surtout, on les laisse parler à la maison ou dans le cabinet d’un psy. Mais on les laisse parler!
(*) Spécialisée dans la prise en charge des enfants victimes d’évènements traumatiques, auteure de Quand la vie fait mal aux enfants, éd. Odile Jacob.