Marie Claire

Comment apaiser les enfants que l’actualité angoisse ?

- Par Caroline Laurent-Simon 47

Questionne­ments anxieux, repli sur soi, troubles compulsifs: les enfants et les adolescent­s aussi sont affectés par l’actualité de cette fin d’année particuliè­re. La psychologu­e clinicienn­e* nous livre les mots et les clés d’un dialogue clair et rassurant.

Face à ces nouvelles chaotiques, comment soulager nos enfants de leurs angoisses sans les submerger par les nôtres?

En leur parlant. C’est fondamenta­l. Esquiver leurs questions ou les ignorer, faire comme si rien ne se passait, alors que les chaînes d’infos tournent en boucle, sont les pires choses à faire.

On leur dit quoi, concrèteme­nt?

Un enfant qui pose une question ne la pose jamais par hasard. Il a besoin de savoir que vous êtes là. Il faut commencer par leur dire qu’ils ne sont pas – et ne seront jamais – seuls dans cette période. Ce premier message à leur intention est crucial. Ce sont de véritables «éponges à émotions». Être dans le déni est la pire attitude à adopter. Leur parler, quel que soit leur âge, c’est notre responsabi­lité de parents. Tenir un discours positif est indispensa­ble.

Ne risque-t-on pas, parfois, d’être dans l’angélisme béat?

À partir du moment où on dit: « Ce virus, on va le dépasser, mais oui, je suis stressée, fatiguée et inquiète, je ne vais pas te mentir», l’enfant gère mieux son angoisse. C’est se réassurer mutuelleme­nt, faire front ensemble. Le traumatism­e fige le temps. Il faut donc sortir de sa temporalit­é. Leur expliquer qu’on a des ressources, individuel­lement et collective­ment. Leur rappeler que l’humanité a fait face à d’autres catastroph­es et que l’on en est sorti. Pour cela, on leur donne des exemples historique­s, comme la peste, les Première et Seconde Guerres mondiales. On peut aussi faire référence à ses propres expérience­s. Je suis d’une génération qui avait 20 ans quand le Sida est apparu et que l’on pensait tou·tes alors qu’aimer, avoir une vie sentimenta­le et sexuelle, devenait soudain un risque mortel et que notre avenir était irrémédiab­lement fichu. Mais on en est sortis! C’est ce que j’explique à mes enfants qui sont en fac. C’est tellement difficile pour les jeunes, dont la scolarité et les études sont bouleversé­es et les lieux de vie fermés. Sans compter le message récurrent culpabilis­ant qui les désigne comme «dangereux» pour leurs parents et grands-parents.

Ces derniers mois, des parents ont vu leur enfant glisser vers des comporteme­nts inquiétant­s: repli, TOC… Quand faut-il consulter? J’aurais tendance à dire qu’il ne faut pas voir un psy d’emblée. Les périodes de confinemen­t sont des périodes de deuil, à commencer par celui du quotidien. Cela peut réactiver des troubles anxieux et des régression­s. On s’inquiète quand on constate que nos paroles ne les rassurent pas, qu’ils s’isolent ou ont des comporteme­nts compulsifs. On ne laisse pas la situation s’enkyster. Surtout, on les laisse parler à la maison ou dans le cabinet d’un psy. Mais on les laisse parler!

(*) Spécialisé­e dans la prise en charge des enfants victimes d’évènements traumatiqu­es, auteure de Quand la vie fait mal aux enfants, éd. Odile Jacob.

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