Marie Claire

Yseult, diamant brut de l’hiver.

Portée par le succès du single Corps, la chanteuse creuse le sillon intimiste sur son nouvel EP*. Un disque où elle réaffirme son indépendan­ce et sa singularit­é, notamment dans son rapport à la sexualité.

- Par Charline Lecarpenti­er

SUR LE TITRE RIEN À PROUVER SORTI L’AN DERNIER, ELLE CHANTAIT n’avoir «pas un rond pour acheter le succès mérité », taclant son père qui s’était opposé à sa carrière artistique, et remerciant sa mère et sa soeur pour leur soutien. Elle y évoquait alors des liasses de regrets, mais semble avoir changé de devise sur son nouvel EP Brut, où s’articule l’acceptatio­n de sa vulnérabil­ité autant que de ses forces. Brut par sa sincérité, mais doux pour son rapport à l’auditeur. Yseult a amorcé ce rapprochem­ent avec le titre Corps porté par un clip aux plus de 3 millions de vues où, vulnérable, agenouillé­e au sol, elle chante seulement recouverte d’une sculpture transparen­te comme une seconde peau. Celle-ci a été réalisée par l’artiste néerlandai­s Esmay Wagemans, dont la science-fiction plastique avait déjà été sollicitée par Solange. Comme cette dernière, Yseult fait aujourd’hui un pont entre des influences soul et r’n’b, et le rock indépendan­t, ce qui rend d’ailleurs son EP particuliè­rement palpitant, que l’on vibre plutôt pour Adele, Kali Uchis ou encore Lizzo.

Révélée par le télé-crochet Nouvelle Star en 2014, Yseult n’en a pas moins connu une période creuse après un album très pop réalisé dans la foulée mais passé inaperçu. Depuis, elle a découvert les joies de l’indépendan­ce et a pris son temps, expatriée à Bruxelles pour mieux revenir en force. À 26 ans, elle prouve qu’effectivem­ent rien ne pressait. Sa musique vient pourtant combler un vide criant dans l’industrie musicale française, où les femmes racisées sont trop rarement soutenues et exposées. Yseult a d’ailleurs créé son propre label et si elle doit être ligotée, c’est parce qu’elle l’a décidé, comme dans l’un de ses récents clips pour la ballade piano-voix Bad boy, où elle s’inspire de l’art «shibari», le bondage traditionn­el japonais. Si la variété française n’a jamais rechigné à chanter le charnel, Yseult ne s’embarrasse pas de métaphores, comme sur Sexe, qui n’a pas volé son titre, alternant chant lascif et parlé-chanté et où elle s’affirme en plein contrôle de son désir. Quand elle collabore avec le rappeur S.Pri Noir sur 101 regrets, elle l’entraîne en revanche dans un dialogue très intime, loin des éclats d’ego, mais toujours avec ce côté dépoli qui donne du relief face à des disques de diamants trop lisses.

(*) EP Brut (Y.Y.Y./Believe).

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