L’anti-réveillon de la cheffe Céline Pham
La brillante cheffe nomade joue pour nous la carte d’un menu de fêtes élégant, voyageur et haut en saveurs. Garanti sans dinde aux marrons ni foie gras.
Ci-dessus, une photo de Pierre Lucet-Penato.
“TU SAIS QU’ON NE FÊTE PAS VRAIMENT NOËL DANS MA famille?!» «Justement, c’est ça qui nous intéresse: ton regard sur ce que peut être un repas de fêtes quand on ne se sent pas obligé de le surjouer ni de cocher les cases de la tradition française. » Voilà en substance la teneur de notre échange avec Céline Pham, au moment de lui proposer de dresser la table pour ce numéro festif. Dans la maison Pham, à Montigny-lès-Cormeilles, les parents, nés au Vietnam et qui se sont rencontrés en France, ne pratiquaient pas le repas de réveillon. « On faisait un bon dîner, avec parfois des produits rapportés du Monoprix où travaillait ma mère, des huîtres, une boîte de caviar, même. Mais sans trop y attacher d’importance. Et on ne se faisait pas de cadeaux.» Elle en a conservé une certaine méfiance envers la surenchère commerciale autour de Noël et ses étals aux prix qui flambent.
LA VIE À LA MAISON RÉPONDAIT À D’AUTRES RITUELS, d’ascendance bouddhiste. Le sens du sacré passait plus par une manière d’honorer la mémoire des anciens. Ainsi, au moment de l’anniversaire de la mort de ses grands-parents, la table est dressée, on la garnit de fruits en offrande, les plats servis sont les préférés des disparus. De sa double culture, Céline Pham a fait son affaire et sa cuisine. « Ce mélange, je l’ai beaucoup revendiqué, je l’assume un peu moins désormais. Le postulat c’est le goût, point. La question de l’identité se pose moins. » Car aujourd’hui, elle éprouve moins qu’avant le besoin de trouver sa légitimité. Peu de certitudes brandies pour autant, peu d’hésitations aussi. Le menu conçu pour nous est à son image. Inspiré, classe et plein de goûts. L’harmonie naît du contraste de saveurs, de textures, d’une sorte de tectonique en douceur. L’huître et la caillette, un mélange chatouillé par le nuoc-mam, le piment et la coriandre. La rondeur d’une courge est agitée par la sauce soja et le citron caviar, les betteraves en robe des champs sont secouées par un assaisonnement mandarine satsuma-citron-vinaigre de cidre. L’acidité, toujours comme un contrepoint. Puis, elle nous livre la recette du gâteau pandan que sa mère prépare traditionnellement à cette période. Sa texture est aérienne et dense à la fois, il se grignote à la fin du repas et les jours suivants. «J’accepte rarement de donner des recettes. Il faut suivre son instinct. C’est plutôt une série d’inspirations que je livre. » Elle est ainsi, Céline Pham, elle occupe la place en creux. Et elle est juste, comme sa cuisine.