Marie Claire

Un chien sinon rien !

- Par Adèle Bréau Photos Vincent Ferrané

Pour retrouver une dynamique au sein du foyer, sauver un animal, faire plaisir aux enfants, ils sont nombreux à avoir franchi le pas de l’adoption depuis que nos loisirs sont circonscri­ts. Alors, 2021, année du chien? C’est ce que nous racontent nos témoins, chez qui ce nouveau membre de la famille a tout changé.

OUTRE-MANCHE, ON LES APPELLE LES

En mars 2020, alors “LOCKDOWN PUPPIES”. que les portes se ferment sur des foyers livrés à eux-mêmes, à Netflix et à des aprèsmidi passés à assembler des puzzles, l’idée surgit. Celle de faire un nouvel enfant? Non, car contrairem­ent aux prévisions, le baby-boom du confinemen­t n’a pas eu lieu (on enregistre une baisse de 1,8 % de la natalité en 2020 (1)). Mais alors, que faisaient ces couples dans leur chambre ? Ils cherchaien­t désespérém­ent… un chien, comme le confirme Adrien Magdelaine, cofondateu­r de Wamiz, le site des animaux de compagnie qui a vu les audiences de sa rubrique «Adoptions» doubler entre avril et mai. À la même période, la SPA lance un appel. Fermeture oblige, elle met en place le dispositif d’adoption solidaire qui permet de remplir sa candidatur­e en ligne et de venir chercher son animal sur rendez-vous. «On a eu 27000 demandes en cinq jours, se souvient Jean-Charles Fombonne, son président. D’habitude, on a 3500 adoptions par mois ! » « Il y a eu une sensation de rupture sociale et, du coup, une fantasmati­que autour de l’animal, ce compagnon qui aurait permis aux gens de ne pas être seuls », explique Victoria Herrmani, psychologu­e clinicienn­e (2). Portés par les réseaux sociaux qui pullulent alors de posts canidés trop mimi, mais aussi par le fait d’avoir du temps chez soi et l’opportunit­é d’une case à cocher sur leur attestatio­n de sortie, les Français·es confiné·es veulent un chien. Alors, lorsque les portes rouvrent, c’est la ruée. Simoné et son compagnon, qui mûrissaien­t le projet depuis longtemps, foncent à la SPA. Valérian et Valérie, qui ont passé deux mois d’inactivité forcée à envoyer des mails, vont chercher Ice, à Montpellie­r. Quant à celles et ceux qui veulent un chiot, problème: les éleveurs ont été pris de court par cet afflux soudain d’amour canin. «Il y a une pénurie des chiens de race, explique Adrien Magdelaine. Les gens les réservent six mois à l’avance, il y a des listes d’attente ahurissant­es. » Amandine, qui a eu le plus grand mal à trouver son jack russel, confirme. Idem pour Julie : «On cherchait un golden à poils longs, il n’y en avait plus nulle part. Par un copain, on a miraculeus­ement eu le numéro d’un éleveur à qui il restait deux chiots. »

DEPUIS, ENTRE CONFINEMEN­TS, DÉCONFINEM­ENTS

ces quatre foyers, ET COUVRE-FEU, comme tant d’autres, gagatisent en mode congé canin. Au point de considérer cette arrivée comme celle d’un enfant. Mais «traiter un animal comme un bébé, c’est une hérésie, explique Muriel Alnot, psychologu­e pour animaux. Un chien reste un animal primitif. Il a besoin d’un cadre. Dans le cas d’achats “coup de coeur”, il y a le risque de s’en tenir au doudou transition­nel sans passer par l’éducation. Alors, l’animal surinvesti peut devenir agressif, et les maîtres désireux de s’en séparer». «On a pas mal regardé sur Internet, raconte Amandine. On lit tout et son contraire, entre l’ancienne méthode et la nouvelle éducation bienveilla­nte. Alors, on a pris un dresseur. C’est un super accélérate­ur. » Et un sacré budget, auquel ont aussi cédé Julie et Éric, comme Valérie et Valérian, soucieux de leur compagnon de sept ans passé de la campagne aux rues du 16e parisien. Vaccins, psy, médaille, biscuits, joujous… pour leur chien, rien n’est trop beau. « Les Français ne sont pas encore au niveau des Anglais ou des Américains, qui peuvent craquer pour une laisse en diamants, mais leurs dépenses augmentent chaque année, observe Adrien Magdelaine. Le secteur marche très fort.»

Car en créant du lien à l’intérieur mais aussi en dehors du foyer, le chien répond à un besoin émotionnel plus prégnant que jamais. « En famille, on se rassemble à nouveau, raconte Amandine. C’est un sujet d’émerveille­ment, de jeux, aussi. » Et de sociabilis­ation, comme l’explique Julie, qui s’est fait plein de nouveaux potes dans son pâté de maison. « On croise toujours les mêmes personnes, alors on se parle. »

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