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De la peinture à la performance, deux expositions et deux ouvrages passionnants donnent un coup de projecteur sur les femmes artistes, nombreuses mais longtemps invisibles. Et réévaluent leur engagement et leur pouvoir dans un monde historiquement trusté par les hommes.
L’EXPOSITION QUI REDONNE LA COTE AUX FEMMES PEINTRES Élisabeth Vigée Le Brun, Adélaïde Labille-Guiard, Marie-Denise Villers, Marie-Guillemine Benoist, Marguerite Gérard… les femmes peintres sont bien plus nombreuses que l’on pensait dans cette période qui va de 1780 à 1830 et qui enjambe la Révolution française. Elles bénéficient de commandes, sont exposées dans les salons. Mais l’histoire de l’art, écrite par les hommes, les laisse dans l’oubli et les retranche des acquisitions des musées. L’exposition en répertorie une quarantaine et leur redonne la primauté en privilégiant l’autoportrait, cette figuration de soi qui est la meilleure manière de se raconter, sans filtre ni jugement. «Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat», musée du Luxembourg, du 3 mars au 4 juillet 2021, en fonction du contexte sanitaire. museeduluxembourg.fr
L’ACCROCHAGE QUI CONCRÉTISE L’ABSTRACTION AU FÉMININ
De Kandinsky à Pollock, de Malevitch à De Kooning, l’abstraction est l’apanage des hommes. Les femmes ne sont autorisées à figurer dans le panthéon que lorsque, à l’image de Sonia Stern-Delaunay, de Sophie Taeuber-Arp ou de Lee Krasner-Pollock, elles sont les «épouses de»… L’exposition du Centre Pompidou fait voler en éclats toutes les démarcations. Elle révèle les invisibles, englobe l’art textile, la photographie, les films, inclut les protagonistes du continent asiatique ou d’Amérique latine, et redonne même de la chair à l’histoire de l’abstraction en y intégrant la Danse serpentine de Loïe Fuller, qui exprime la ligne ondulatoire du corps.
«Elles font l’abstraction. Une autre histoire de l’abstraction au XXe siècle», Centre Pompidou, du 5 mai au 23 août 2021, centrepompidou.fr
L’OUVRAGE QUI RÉHABILITE
LES PIONNIÈRES
Y avait-il des femmes parmi les artistes de la préhistoire ou parmi les copistes et enlumineurs du Moyen Âge? Existait-il un «female gaze» dès le XVIIe siècle? Est-il possible de faire de la nudité féminine une arme de protestation? En mettant en avant des figures extraordinaires du monde de l’art, de la peintre abstraite Hilma af Klint à la performeuse Marina Abramović, de la sculptrice afroaméricaine Augusta Savage (photo: Lift Every Voice and Sing (The Harp), 1939) à l’artiste britannique Salvia, qui affole Instagram avec ses toiles post-genre, l’historien de l’art Roger Cotentin souligne l’inventivité des femmes artistes face aux rapports de domination. Brillant.
Wonder women, de Régis Cotentin, éd. RMN-GP, 24,90 €.
LE RECUEIL QUI FAIT BRILLER LES EXPERTES
En menant de longues conversations avec des galeristes, des critiques, des directrices de musées, de Fondations ou de foires, Anne Martin-Fugier raconte des parcours insolites et engagés. Que ce soit celui de Camille Morineau, dont le site Aware renseigne sur toutes les artistes femmes du XXe siècle, ou Ingrid Brochard, qui a créé le MuMo, un musée itinérant à destination des régions et des quartiers culturellement défavorisés, les femmes du monde de l’art gagnent plus que jamais à être connues.
Quelques-unes… Femmes de l’art contemporain en France, d’Anne Martin-Fugier, éd Gallimard, 22,50 €.