Jean-Guillaume Mathiaut, sculpteur par nature
C’est un artiste pluriel qui fait feu de tout bois. Architecte, designer et photographe, il inaugure ce printemps un parcours jalonné de cabanes dans la forêt de Fontainebleau, un musée du Land Art, et exposera à la rentrée ses “meubles paysages” dans un cabinet de curiosités parisien.
JEAN-GUILLAUME MATHIAUT EST UN OURS QUI
Dès qu’il NE DEMANDE QU’À ÊTRE APPRIVOISÉ. vous a flairé·e, il sort du bois et vous dévoile ses mille vies. Il n’est pas arrivé par hasard dans le village de Bourron-Marlotte, près de la forêt de Fontainebleau, réputé pour avoir accueilli Corot, Sisley, Cézanne ou encore Jean Renoir. Il y est né: « Ma mère a accouché en lisière de cette forêt. » D’où son lien charnel avec ce poumon vert qu’il parcourt, tous les jours. Aimanté par la lumière si singulière, la futaie de chênes centenaires ou l’océan de pins maritimes aux mille et une nuances de vert. «J’ai une relation presque chamanique avec cet environnement qui m’a réparé après un accident de la vie et donné la force de me relever. Ces arbres vous rendent au centuple ce que vous leur donnez. Les voir s’éveiller chaque matin est un bain de jouvence qui nourrit ma pratique artistique. » Le pas alerte, l’oeil aux aguets, il arpente cette plaine verte pour repérer le moindre tronc d’arbre fossilisé, le morceau d’écorce sacrifié ou la branche abandonnée, qu’il métamorphose ensuite en «meuble paysage».
SES PIÈCES SONT UNE ALLÉGORIE DE LA FORÊT et une ode à la biodiversité. Dans son atelier, peuplé de bancs Sculpture, de bibliothèques Échelle, de coffres à jouer Cité radieuse ou de chaises Fétiche fabriqués à la main, il cherche la justesse et la simplicité des formes pour être au plus près de la nature. Et au plus près de lui-même. Ses nombreuses expériences professionnelles ont sans aucun doute aiguisé son regard comme sa volonté de ne pas endosser une unique identité. Dès le début de ses études d’architecture, il multiplie les
collaborations. Doué pour le dessin, il assiste d’abord deux artistes contemporains avant de passer cinq années aux côtés de l’architecte Édouard François puis de Jean Nouvel. Son diplôme en poche, il part alors en Afrique apprendre les techniques d’habitats vernaculaires. À son retour, Patrick Blanc, botaniste et inventeur des murs végétaux, le prend sous son aile. «Une rencontre qui a été déterminante. Il m’a appris à fabriquer des cabanes sculptures. Et surtout à être libre de mon trait.»
Mû par une énergie créatrice dévorante, ce surdoué du crayon décide alors, à 23 ans, de passer des concours d’architecture, dont celui du prestigieux Van Alen Institute, remporté avec son projet de cabane sur pilotis à Long Island, totalement intégré au paysage. Approché par Jean-Luc Choplin, homme de théâtre alors directeur artistique des Galeries Lafayette, il sera son assistant pendant un an avant de le remplacer lorsque ce dernier prend la direction du théâtre du Châtelet. En 2005, changement de cap. Il se réinvente en designer et architecte d’intérieur pour la boutique Issey Miyake, à Paris. L’occasion de développer, enfin, son propre mobilier, à la frontière de la sculpture mais indissociable de la forêt.
de EMPRUNTES DE SAVOIR-FAIRE AFRICAINS, techniques d’assemblage japonaises et de souvenirs de voyages, ses « tribus de meubles» rendent hommage aux grands courants architecturaux – le Bauhaus et le brutalisme – et à Brancusi, une personnalité dont il aime l’humilité, la liberté formelle et l’intemporalité des oeuvres. Dotées d’une véritable aura artistique, toutes ses pièces en bois – taillées à la main et sculptées dans la masse –, auxquelles il confère une texture velours, séduisent une foule de collectionneur·ses et de galeristes internationaux. Bien qu’il ne coure pas les mondanités, Jean-Guillaume a été approché par les plus grands acteurs du luxe (LVMH, Kering, Hermès…) comme par la famille Hoffmann-La Roche, et plus récemment par l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch ou encore le Studio KO. Malgré un carnet de commandes bien rempli, il bouillonne de projets. D’ici le mois de mai, il va installer, au détour d’un sentier de la forêt domaniale de Fontainebleau et le marais de Larchant, trois cabanes sur pilotis sonorisées par la compositrice Yvette Ebengue, « comme des “architectures totémiques en lévitation” pour que l’on puisse se reconnecter au vivant et retrouver son âme d’enfant».
À partir du mois de juin, il inaugure également le Château Marmotte, un musée d’art contemporain en plein air dédié à la nature où plusieurs artistes présenteront des «solo shows». Premier invité, le designer
“J’ai une relation presque chamanique avec cette forêt qui m’a réparé après un accident de la vie et donné la force de me relever.”
José Lévy, qui y exposera ses peintures et ses sculptures, puis Lei Saito, une céramiste japonaise qui disséminera ses pièces dans les bois tel le Petit Poucet, ou encore le duo de graphistes Antoine+Manuel. Plus tard, le célèbre artiste anglais et spécialiste du land art, Richard Long, devrait faire partie de l’aventure. À Paris, à partir du 15 juin, Jean-Guillaume présentera aussi ses oeuvres monumentales à la galerie Mayaro, dans le 7e arrondissement, avant d’investir, à la rentrée, un appartement, transformé en cabinet de curiosités. Ses tabourets Popote, ses bancs Sculpture et ses Fétiche y seront vendus à prix démocratiques. Conjuguer nature et culture, encore et toujours. Avec audace, et en toute humilité.
1. jeanguillaumemathiaut.com
2. Elles seront mises à disposition gracieusement sur réservation sur le compte Instagram @jeanguillaume_mathiaut