Marie Claire

Jennifer Richard, dans la tête du diable

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bien que s’attachant SON LIVRE EST DÉDIÉ AUX GILETS JAUNES, au destin d’un homme ayant sévi entre le XIXe et XXe siècle, aussi raffiné qu’abject: Basil Zaharoff. Le rapport? Zaharoff était un marchand d’armes, le plus important de son époque, peut-être de tous les temps. Une sorte d’incarnatio­n de ce que l’auteure appelle le «marché», ce capitalism­e cynique qui broie les individus. On voit mieux le rapport avec les GJ: Jennifer Richard se définit comme « une anarchiste à la Tolstoï» – ne condamnant pas l’État par principe, mais les violences qu’il peut exercer en toute impunité.

Née à Los Angeles d’un père normand et d’une mère guadeloupé­enne, cette auteure franco-américaine a grandi aux quatre coins du monde, au gré des mutations de ses parents. Une telle enfance nourrit-elle la curiosité et l’imaginaire? En tout cas, son avant-dernier ouvrage, Il est à toi ce beau pays, était magistral: un livre-somme aux allures de «page turner» consacré au découpage du continent noir lors la conférence de Berlin (1884-1885) et les drames qui en avaient découlé en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Elle y donnait voix à une foule de personnage­s réels (d’Ota Benga, un Pygmée capturé au Congo et exhibé au zoo du Bronx en 1906, à Léopold II ou Savorgnan de Brazza). Précisons que, dans la vie, Jennifer Richard est documental­iste. Elle sait où chercher. Et comment raconter. Sous sa plume, l’histoire devient vivante. Et glaçante. L’an prochain, elle devrait publier la suite d’Il est à toi… On a hâte de retrouver Ota. Françoise-Marie Santucci

Le diable parle toutes les langues, éd. Albin Michel, 21,90 €.

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