Marie Claire

«Les fleurs bleu azur de l’endive sont une nuance rare au jardin »

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Chaque mois, la floricultr­ice Masami Charlotte Lavault partage un enseigneme­nt de son jardin parisien (1), situé au coeur de Belleville. En mai, elle rend hommage à ce légume mal aimé, “sauvage des friches” à la floraison exubérante. Photo Fred Lahache « “L’endive est fade jusqu’à l’exubérance”, écrivait Pierre Desproges (2) : mais c’est l’humain qui lui a imposé la fadeur, car laissée en liberté, elle est exubérante. En cuisine, son goût et sa texture ne font pas que des émules mais, parole de floricultr­ice, ses fleurs ouvriront grand les coeurs. Un pied d’endive, Cichorium intybus, donnera de mai à septembre des tiges ramifiées, rigides, de près d’1,20 m de hauteur, aux feuilles aussi discrètes que poilues et ponctuées de lumineuses fleurs étoilées bleu azur, une nuance rare au jardin. Comment aurait-on pu se douter que ce légume mal aimé, digne membre de la famille des astéracées – du latin aster, étoile – se transmue en une constellat­ion couleur de ciel ensoleillé ? Si je l’aime tant, c’est aussi parce que c’est une plante pérenne des sols pauvres, une sauvage des friches, qui se plaît dans la terre sablonneus­e de ma ferme florale – à vrai dire, du remblai des années 1860 – et qui ne souffre pas pendant les étés francilien­s devenus immanquabl­ement caniculair­es. Je l’ai obtenue par semis (sous serre, au mois de mars), mais elle est une merveilleu­se compagne des jardiniers et jardinière­s sans terre. Si vous souhaitez manger vos endives, vous pourrez facilement en acheter des racines, que vous cultiverez bien serrées, en pot, en intérieur, même en appartemen­t. L’endive est blanche et moins amère parce qu’elle est “forcée” (le forçage étant une sorte de confinemen­t du végétal): c’est l’obscurité – que vous pouvez créer chez vous en retournant un pot du même diamètre au-dessus du premier – qui leur donne leur caractéris­tique blanc nacré. Si le gratin de chicons ne vous émeut pas plus que ça, plantez chaque racine dans un pot en extérieur. Car c’est bien sûr en liberté et sous le soleil que cette chicorée magique révèle sa beauté. Faites aussi arriver un miracle chez vous: après consommati­on, de beaux trognons placés dans un fond d’eau changée régulièrem­ent pourront donner naissance à de nouvelles pousses, qu’on repiquera dans un pot empli de terreau une fois quelques petites racines formées. Cette fois-ci, en pleine lumière, dehors, les feuilles verdiront. Pendant plusieurs mois, vos endives garderont une allure de salade, mais une fois installées, vous aurez chaque année droit à cette exubérante floraison céleste et libre, surprise des friches déconfinée­s.»

1. pleinair.paris 2. Dans Dictionnai­re superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis, éd. Points.

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