LA PREMIÈRE PAGE
Les bourgeoises d’Astrid Éliard
L’HISTOIRE
Dans cette première nouvelle, la narratrice n’est pas encore une bourgeoise, mais presque. Ce couple de jeunes gens, elle d’origine populaire, lui issu de l’immigration, n’aime pas la bourgeoisie mais va s’embourgeoiser pour cause de réussite professionnelle. D’autres bourgeoises traverseront ce recueil avec plus ou moins de classe et d’argent. De celle qui se prétend « obligée » de choisir l’enseignement privé pour son fils, de la bourgeoise « tradi » à la néo-bobo, de Madame Thermomix bronzant l’hiver en doudoune fuchsia à celle, «pas-raciste-mais», qui choisit une nounou ukrainienne « so chic », elles sont toutes là.
LE VERDICT
Ça décoiffe. Les plus coûteux brushings n’y résisteront pas. Ces Bourgeoises sont un délice, best of de vacheries bien ciblées… Autant de petits poignards emballés dans du papier de soie, destinés à piquer au vif certains travers de ce qu’il est convenu d’appeler la bourgeoisie, catégorie sociale diverse mais unifiée par cette foi commune: le monde lui appartient! Par touches subtiles et tranchantes, Astrid Éliard, Grand Prix de la Nouvelle pour Nuits de noces et prix Marcel Pagnol pour Danser, nous offre une galerie de portraits non sans suspense: vous y reconnaîtrez-vous? G.C.
Éd. Mercure de France, 18 €.
CETTE DOUBLE VIE D’UN PÈRE A CONQUIS LES ÉTATS-UNIS
La presse américaine, du New York Times à Publishers Weekly, de Marie Claire États-Unis à The Economist en passant par Literary Hub, a craqué pour ce premier roman « somptueux », « subtil », « puissant », « parfait mélange de littérature et de divertissement ». Nous confirmons. L’auteure, Sanaë Lemoine, née de mère japonaise et de père français, a grandi à Paris – où se situe son roman – et vit aux États-Unis, où elle a écrit cette histoire très « frenchy » en anglais, langue qu’elle manie aujourd’hui avec le plus de facilité.
UN ZESTE DE MITTERRAND/MAZARINE NE NUIT PAS
L’intrigue rappelle des souvenirs… Comme Mazarine Pingeot – fille d’Anne Pingeot et de François Mitterrand –, la narratrice, Margot Louve, est la fille cachée d’un homme politique, ministre de la Culture. Il ne l’a pas reconnue, mais passe de temps en temps dans l’appartement parisien où, avec sa mère – comédienne de renom –, elle vit dans le manque permanent de son père pour qui elle éprouve vénération, amour… et une colère qui ne demande qu’à exploser.
IL Y A LÀ DU SAGAN REMASTÉRISÉ
Cette auteure, avec sa narratrice lycéenne ultra-lucide, sa justesse de ton et son sens de l’observation, rappelle Françoise Sagan. C’est en découvrant l’histoire de la naissance de Mazarine que Sanaë Lemoine, après que son père lui a révélé, quand elle a eu 21 ans, qu’il avait un fils caché, et s’interrogeant sur ce qu’était la vie cachée de cet enfant, a commencé à transposer ces éléments personnels en s’inspirant du cas mitterrandien. Résultat: un livre marquant sur l’intensité émotionnelle de l’adolescence, les bases et les limites de la famille, sous la plume d’une débutante surdouée. G.C.
(*) Éd. Eyrolles, traduit de l’anglais par Manu Causse, 19 €.