La photo d’enfance d’André Manoukian
L’auteur-compositeur et chroniqueur sur France Inter (1) se souvient de ses vacances d’été dans les années 60. Quand la famille quittait Lyon en 404 beige pour gagner la Côte d’Azur, où sa mère retrouvait “sa” Méditerranée et sa petite soeur dansait le twist sur la plage.
Marina Rozenman
Et vous vouliez une photo en «J’AI 6 ANS, MA FRANGINE, 4. couleur avant l’âge de 10 ans, et j’ai eu beau chercher dans tous les sens, les seules photos couleur que j’ai retrouvées datent d’après, d’une autre génération. Bordel, c’est diiingue! C’est là que je me rends compte que je suis vieux ! (Il rit.) Bon, mais, avec l’intelligence artificielle, on fait des miracles! Alors, Clémentine, ma manageuse, vous a colorisé celle-ci. Une photo importante car ce sont nos dernières vacances peinardes… Je vous explique. Mon père était tailleur pour dames – Cours Gambetta, à Lyon – et, début août, mes parents fermaient la boutique, et hop! On prenait la 404 beige direction Cannes, où ma mère est née en 1930. (Maman qui nous racontait comment, avec ses copines, elles couraient pendant le festival après Cary Grant, Gary Cooper ou Lana Turner. La classe! Cette photo a d’ailleurs été prise sur la Croisette.) Enfin, je me rappelle qu’à chaque fois, juste avant d’arriver et de découvrir la mer, on passait sous un pont et ma mère nous disait : “Attention, Attention… Et voilààà !” Elle retrouvait sa Méditerranée et elle poussait comme un soupiiir de soulagement. Je me rappelle aussi ma petite soeur qui dansait magnifiquement le twist, sur la plage. Avec sa petite jupe en raphia. Tout le monde en cercle, autour. Ou des visites chez nos tantes à Spéracèdes, dans l’arrière-pays niçois. Mais l’hiver qui a suivi cette photo… Moi qui suis plutôt sympathique, au lieu de tuer les bacilles de mon vaccin anti-tuberculose, je les ai développés! Et donc, préventorium/air sec/montagne. Et c’est là que mon père a “gagné”. Parce que si je réfléchis bien et pour paraphraser Godard… Maman, c’était l’eau, et papa, le granit (2). La neige, les piolets, les crampons. Donc nous aurions pu continuer d’aller à Cannes, après ma guérison, pour contempler la mer : oui. Mais c’était trop tard. Notre père – mon “reup” – nous avait transmis le virus. Le virus des chemins de transpiration!»
1. Dernier disque sorti : Les pianos de Gainsbourg (Decca/ Universal). Et «Sur les routes de la musique», à partir du 5 juillet sur France Inter. 2. Réplique tirée du film Numéro deux (1975) : « Maman, c’est un paysage, Papa, c’est une usine. »
“C’est une photo importante prise à Cannes, sur la Croisette. J’ai 6 ans, ma frangine 4, et ce sont nos dernières vacances peinardes…”