La meilleure façon de respirer
ELLE NE LES SUBIT PLUS DEPUIS DIX ANS, mais Claire décrit encore avec minutie ces malaises qui rendaient son quotidien insupportable. Régulièrement, elle se sentait « partir ». Sa poitrine se contractait, sa vision se voilait, le sol se dérobait sous ses pieds, la transpiration perlait à la racine de ses cheveux. Sur les conseils d’une amie, qui soupçonne des attaques de panique, elle consulte une psychiatre. «Je ne connaissais rien aux troubles anxieux, j’étais convaincue d’être au premier stade d’une maladie grave. Quand elle m’a montré un exercice respiratoire à réaliser pendant les crises, j’ai failli éclater en larmes. La solution ne pouvait pas être si simple. » Claire avait pensé à tout, sauf à sa respiration, tellement automatique. Effectuée par le ventre, le thorax, la bouche ou le nez, cette fonction vitale inconsciente nous accompagne de notre premier cri de nouveau-né à notre dernier souffle. Mais déséquilibrée par le stress, la peur ou l’effort, elle peut fortement modifier notre état physique et mental.
Quand on respire bien, le diaphragme descend et monte librement, tel un piston, dans un mouvement ample et profond (d’où l’intérêt de se tenir droit·e pour ne pas le compresser) qu’il effectue quelque 24000 fois par jour. Mais que se passe-t-il lorsqu’on respire mal ? «Une respiration dite classique est thoracique, avec des échanges oxygène-gaz carbonique réguliers. Quand on respire mal, on inspire moins bien l’oxygène et on n’expire plus assez de dioxyde de carbone, ce qui provoque une sorte d’intoxication. D’où la tête qui tourne, les tremblements, etc. qui nous font nous sentir mal et peuvent aller jusqu’à provoquer une crise d’angoisse », explique Fanny Jacq, psychiatre et directrice santé mentale chez Qare Psy. Un état pendant lequel on décharge aussi de l’adrénaline, qui contracte diaphragme et poumons, entravant encore plus le souffle. Pour les détendre et relancer les échanges gazeux, la psychiatre recommande d’adopter une respiration abdominale. Respirer en gonflant le ventre: un mouvement simple mais pas très naturel, sur lequel on doit se concentrer, ce qui a l’avantage de nous rapprocher du très à la mode état de pleine conscience. «En se focalisant sur l’action de respirer, on se décontracte, on canalise ses pensées, on devient plus calme», détaille-t-elle. Colonne vertébrale de la méthode sophrologique, la respiration a une place prioritaire lors des premières consultations avec Marcella, sophrologue, et auteure de 100 idées + pour apprendre à (mieux) respirer*. Elle reconnaît qu’un souffle calme et bien rythmé semble
déjà complexe à bon nombre de ses patients. « Quand ils me disent qu’ils ne savent pas respirer, je leur réponds plutôt qu’ils ne tirent pas profit de leur respiration de manière optimale. Je leur explique qu’en la travaillant, on peut influencer d’autres fonctions neurovégétatives et retrouver un certain mieux-être», constate Marcella. Le bien-être par le souffle, les adeptes du yoga le connaissent bien. «Breath, inhale, exhale, très bien tout le monde. » Cette phrase, Wanjiru Kamuyu la répète régulièrement pendant les cours de Hatha Yoga qu’elle donne à Paris : «La respiration agit comme un cercle d’énergie qui nourrit la pratique. Elle permet aussi de créer une détente dans les zones de tension du corps pendant certaines postures.» Sa respiration yogique favorite? La respiration Ujjayi («le souffle victorieux» en sanskrit), qui se fait par le nez, la gorge légèrement contractée, freinant l’entrée et la sortie de l’air dans la glotte, et provoquant un son légèrement rauque. «Pratique et discrète, je l’utilise pour me décontracter dès que mon rythme cardiaque s’accélère, dans la rue comme dans le métro. La connexion au souffle ne doit surtout pas s’arrêter quand on range le tapis !»
(*) Éd. Tom Pousse. sophropower.com
Bâiller, soupirer!
« Simples, naturels et ludiques, les deux procurent une détente cérébrale maximale et immédiate. À intégrer régulièrement au cours de la journée comme de véritables exercices à faire en pleine conscience. Soupirs de colère, d’injustice, d’agacement… Lâchez-vous ! » conseille Marcella, sophrologue.
Maîtriser l’inspiration et l’expiration
L’inspiration et l’expiration sont contrôlées par le système nerveux autonome (sympathique et parasympathique), dont la mission est de réguler certaines fonctions de l’organisme (respiration, digestion, rythme cardiaque…). «Une respiration ventrale, concentrée sur l’expiration, ample et lente, stimule le système nerveux parasympathique, qui induit la relaxation. Une respiration thoracique ou claviculaire, concentrée sur l’inspiration, rapide et superficielle, stimule le système nerveux sympathique, qui prépare à l’action », résume Marcella.