3 QUESTIONS

À MARIE-FRANÇOISE COLOMBANI, JOURNALISTE ET AUTEURE

Dans Celle que j’ai laissée*, Marie-Françoise Colombani relate les histoires d’adolescent·es qui ont dû s’exiler en France sans leur famille. Des témoignages bouleversants.

Pourquoi ce livre? Parce qu’on ne parle plus des migrants. Récemment cent trente personnes n’ont pas été secourues et se sont noyées en Méditerranée, seul le Pape l’a évoqué dans son homélie. J’ai voulu un moyen émouvant mais pas éprouvant de parler des migrants en demandant à des mineurs étrangers isolés ou de jeunes majeurs: « Qui ou quoi te manque le plus ? »

À 99 %, elles et ils ont répondu : « Ma maman. » Si on a un enfant, on se dit: «Mon Dieu, ça pourrait être le mien!»

Ces mineurs sont surtout des garçons, non?

Oui, les filles ne représentent que 4 %. On comprend à mots couverts ce que ces jeunes ont vécu lors de l’exil. Un des garçons enfermés comme esclave en Libye nous a dit : « C’est là que j’ai appris le mot viol. » Les filles ont souvent fui un mariage forcé, ou l’excision. Les garçons, eux, se retrouvent chargés de famille à 12 ans, privés d’école et d’avenir.

Notre système d’accueil de ces jeunes est-il efficace?

Il fonctionne bien quand la minorité est reconnue. Le mineur est alors pris en charge par l’ASE. Le problème se pose quand ils n’ont pas de papiers, ou qu’ils mesurent 1,80 m à 14 ans. Ils passent ce fameux test osseux du poignet qui, adapté à des morphologies européennes, ne marche pas. Beaucoup se retrouvent à la rue. Depuis un an avec le Covid, les familles volontaires pour les héberger se font rares. On parle de 1200 mineurs qui arrivent en France chaque année, mais on ne sait pas vraiment. Ce livre est un message d’espoir, ces jeunes pris en charge s’intègrent et réussissent, poussés par le désir de s’en sortir.

(*) Avec Clarisse Quillet, illustrations de Damien Roudeau, éd. Actes Sud, 9,90 €. Tous les bénéfices sont reversés à l’association Les Midis du MIE. facebook.com/lesmidisdumie.