Batsheva
L’esthétique très XIXe siècle, avec laquelle la créatrice Batsheva Hay s’amuse, nous interpelle. Avec un regard presque sociologique, elle habille les femmes au présent, pour le quotidien, jusque dans l’intimité de leur cuisine. Rencontre avec une créatri
Dans votre marque, les look books ont une place centrale. À chaque collection, vous y racontez une histoire. Comment avez-vous développé ce concept?
Avec le photographe Alexei Hay, qui est aussi mon mari, nous imaginons le storytelling des look books. Nous en avons déjà fait une vingtaine. Lorsque j’ai commencé mes premières robes, il a proposé de me prendre en photo avec mes créations. C’était artisanal, drôle et libre car je faisais mon propre maquillage et ma coiffure. Grâce à ses photos, nous avons raconté les premières histoires autour de mes robes. Ça m’a aidée à construire tout un imaginaire. Puis ma marque a doucement grandi et j’ai pu imaginer d’autres femmes portant mes créations. Et donc, d’autres histoires à raconter à travers mes vêtements.
Et quelle est l’histoire de votre dernière collection ?
Durant les confinements, j’ai développé une histoire autour du livre de cuisine. Pour présenter mes vêtements, nous avons photographié des femmes chez elles. Je voulais les montrer dans l’intimité de leur cuisine, en train de préparer un plat qu’elles allaient déguster après le shooting, avec un être aimé ou toute seule. On remarque que la plupart des modèles ne portent même pas de chaussures, elles n’allaient pas sortir de chez elles. Et parce que cette histoire avait beaucoup de sens, nous avons récupéré chaque recette, que nous publions en juin dans un livre de cuisine.
Vous travaillez aussi à une collection de pièces en maille avec Ella Emhoff, belle-fille de Kamala Harris. C’était un défi personnel, ce projet en duo?
La maille est un support assez nouveau pour moi donc c’était très enrichissant de collaborer avec Ella. Associer mon univers au sien était un véritable défi. Mais notre collaboration a été fluide car nous sommes toutes les deux très intuitives. Les choix des couleurs, par exemple, se faisaient en un claquement de doigts, c’était assez évident. Nous avons tellement de choses en commun qu’il était très aisé de travailler ensemble.
Erykah Badu, Jessica Chastain, Ella Emhoff… Beaucoup de figures féministes portent vos créations fleuries. Qu’est-ce que cela signifie pour vous? Mes vêtements ne sont pas minimalistes, ils se remarquent. Je pense que l’on s’habille parfois en Batsheva pour signifier sa confiance et sa fierté, ce qui crée peut-être un écho chez certaines femmes engagées et féministes. Mes vêtements affirment une certaine vision de la féminité et le mouvement #MeToo est devenu viral au moment même où je lançais ma marque. Certains journalistes ont même cité Batsheva dans des articles comme: «Le dressing parfait pour le mouvement #MeToo.» C’est amusant car mon esthétique est très traditionnelle. Dans un sens, on pourrait dire que ce n’est pas féministe de s’habiller ainsi, avec des références du passé. Mais en fait, c’est presque un signe de rébellion dans notre monde contemporain.