Marie Claire

Laetitia Colombani : “Je suis une féministe pacifiste”

- Propos recueillis par Gilles Chenaille Photo Thomas Laisné Partagez-vous cette envie de ficher le camp, loin de tout, comme votre héroïne Léna ?

Avec Le cerf-volant*, son troisième roman, l’auteure du splendide

La tresse signe un nouvel hymne puissant à la sororité dans le pays des castes et des brigades de femmes, l’Inde. Elle nous en détaille la genèse et nous explique ici les profonds ressorts de son engagement.

Scénariste, actrice, réalisatri­ce, romancière, Laetitia Colombani sait raconter des histoires et traduire en situations concrètes, tendues par le suspense, des trajectoir­es humaines pleines de sens qui, toutes, lui tiennent à coeur et dont les «scénarios» nous happent à chaque fois. Ses personnage­s féminins et la force de leur lien, voilà son talent premier, qui nourrit ici son troisième roman, en même temps que l’adaptation de son best-seller La tresse qu’elle va réaliser elle-même pour le cinéma – tournage en préparatio­n. Mais elle a quand même trouvé le temps de nous parler.

Quelle nécessité intérieure propulse l’envol de votre Cerf-volant ?

Quelques années après la sortie de La tresse, un instituteu­r français à la retraite m’a écrit que ce roman l’avait bouleversé. Il avait ouvert une école privée pour les enfants des «intouchabl­es», qui ne sont pas scolarisés, ou dans des conditions si pénibles que ça les décourage. Aujourd’hui encore, ils sont discriminé­s et maltraités, dans les grandes villes et plus encore les villages. Avec double peine pour les petites filles. En février 2020, j’ai visité son école lors d’un voyage en Inde où se mélangent partout le sublime et l’effroyable et à mon retour, j’ai commencé à écrire Le cerf-volant.

Non, je suis très heureuse dans ma vie. Mais je peux la comprendre, avec cette petite voix me chuchotant parfois, néanmoins : « Ce serait mieux ailleurs, à l’autre bout du monde.» Léna, elle, était en perdition totale avant de partir en Inde fonder cette école où elle recueille – entre autres – une petite fille exploitée par son entourage. Ma seule perdition au moment de l’écriture, très relative, c’était de subir comme nous tous un confinemen­t assez pénible me poussant à rêver de lointain.

Et concrèteme­nt, comment se manifeste votre sens de la solidarité?

Rien de comparable avec Léna, ou ces gens, ces femmes qui dédient vraiment leur vie aux autres et pour lesquelles j’ai une admiration extrême. Moi, je ne fais qu’aider l’Armée du Salut et je suis la marraine de quelques écoles en Inde et à Madagascar.

Quelle est votre forme de féminisme? Musclé ?

Je suis une féministe pacifiste. Car, par nature, je suis contre toute violence. Mais en Inde, 70 % des femmes sont maltraitée­s, ce qui inclut violences et viols. Les lois n’étant pas appliquées et la police ne les aidant pas, il y a donc urgence pour elles à se défendre. D’où cette «Red Brigade» qui joue un rôle important dans mon livre. Elle existe dans la réalité, constituée de jeunes femmes bien entraînées et dont les interventi­ons défensives peuvent être assez musclées…

Scénariste, cinéaste, écrivaine… Si vous ne gardiez qu’une de ces activités, et si vous en ajoutiez une, lesquelles?

S’il fallait vraiment n’en garder qu’une : romancière, car seule en face de son clavier, on n’a besoin de personne. Une de plus? Sans hésiter: psychologu­e ou psychanaly­ste. Car là, ce serait une autre façon d’entrer à l’intérieur des personnage­s.

(*) Éd. Grasset, 18 €.

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