Dans le jardin secret des peintres
Comme les paysagistes, les peintres ont aussi leurs visions de l’Éden vert et ce sont ces écarts de sensibilité qu’éclaire l’exposition de Giverny. En réunissant une centaine de peintures, de dessins et d’estampes illustrant la représentation du jardin entre 1870 et 1890, l’accrochage confronte les démarches contradictoires – parfois complémentaires – des impressionnistes et des nabis. Les jardins luxuriants que Gustave Caillebotte représente avec leur délicate constellation de marguerites, que Maurice Denis emplit de généreux arbres fruitiers, sont des Arcadies qui régénèrent l’âme et le regard. Ces oeuvres ensoleillées ont peu à voir avec des peintures plus mélancoliques qui figurent le jardin comme un enclos où laisser libre cours à ses rêveries. James Tissot peint sa muse irlandaise Kathleen Newton, atteinte de tuberculose, au creux d’un fauteuil de jardin, à l’heure du crépuscule. Camille Pissaro saisit son épouse Julie pensive, les travaux domestiques délaissés, tandis que dans le grand tableau Portraits à la campagne, Gustave Caillebotte réunit jeunes parentes et aïeules cousant sur la terrasse familiale à Yerres. Le jardin, surtout public, devient également l’espace du jeu et de la sociabilité. Les squares parisiens de Vuillard sont le havre des nourrices et des élégantes. Avec Renoir, les jardins deviennent les refuges des enfants jouant à la balle, avec Bonnard, ils sont le théâtre des parties de croquet familiales. À ces oeuvres florales, s’ajoute tout un programme de promenades chorégraphiques, de visites olfactives, de marché aux fleurs, de festival de piano proposé par le musée. Natacha Wolinski
«Côté jardin. De Monet à Bonnard», musée des impressionnismes Giverny, jusqu’au
1er novembre 2021. mdig.fr