Marie Claire

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Privé d’édition l’an dernier, le 74e Festival revient sur la Croisette avec son lot de paillettes et de films hautement désirables, dont certains sortiront en salle dès juillet.

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L’ÉVÈNEMENT Benedetta

Be-ne-de-tta. On peut répéter, épeler dix fois son nom: Benedetta restera un mystère. De même, on peut survoler la biographie de cette célèbre religieuse lesbienne du XVIIe siècle, comprendre le scandale que fut sa vie – sacrifier sa foi à une passion charnelle, jusqu’à mêler les deux –, on ne décodera pas l’énigme de cette féminité dans le film de Paul Verhoeven. On ne saura pas, au terme d’un peu plus de deux heures de pâmoisons tantôt sulfureuse­s, tantôt mystiques au coeur d’un couvent italien cerné par la peste, si Benedetta est victime ou bourreau. Sainte ou manipulatr­ice. Chez Verhoeven, les héroïnes, paradoxale­s, gardent leur secret. C’est pour ça qu’elles sont si passionnan­tes: Sharon Stone dans Basic Instinct, Isabelle Huppert dans Elle… Impossible de savoir ce que soeur Benedetta pense, et la caméra du réalisateu­r néerlandai­s, longtemps exilé à Hollywood avant de nous faire l’honneur de deux films en France, ne peut que tournoyer aveuglémen­t autour d’elle. Une caméra fascinée, aimantée. Car Virginie Efira est sublime dans sa violence illuminée. Elle exhibe sur son corps stigmates et blessures, se dit « épouse du Christ », devient lui. Scènes de rêve où l’image ne craint pas le kitsch : elle s’y vautre à grands coups de pâte colorée avec un Jésus sexy comme un chanteur de boys band. On rit presque – rompu au second degré de l’auteur qui a si finement parodié le grand spectacle viriliste américain, de Total recall à RoboCop et Starship troopers. On rit, oui, mais sans se moquer. Car le film ne badine pas quand il s’abreuve à ses deux sources sacrées: le sexe et la violence. La force transgress­ive. Ce point où le réel bascule, où l’interdit est bafoué, voilà où Benedetta s’emballe, s’embrase, délivre sa puissance de feu. Une statuette de la Vierge détournée en godemichet. Une scène d’extase charnelle. Un sein dévoré par l’automutila­tion. Une voix monstrueus­e échappée de L’exorciste.

Un suicide en haut d’un clocher comme une citation de Sueurs froides. Une météorite dans le ciel rouge. L’oeil vengeur et exorbité d’une Charlotte Rampling impériale. Alors oui, ça fait beaucoup de corps féminins suppliciés. Trop, peut-être. Mais super-héroïnes invincible­s, elles le sont aussi. Alors quand Verhoeven, 82 ans, avoue dans une ancienne interview à Libération que « donner le pouvoir aux femmes dans ses films fait partie de (ses) petits plaisirs personnels», on le croit. Emily Barnett

De Paul Verhoeven, avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphné Patakia, Lambert Wilson… Sortie le 9 juillet.

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Bartolomea (Daphné Patakia) et Benedetta (Virginie Efira).

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