Marie Claire

« J’ai démasqué mon ex avec l’aide de ses maîtresses»

- Par Corine Goldberger Illustrati­ons Joel Burden

À 52 ans, Gill, cadre dans la banque, tombe folle amoureuse de Max, divorcé comme elle. Un beau parleur dont elle ne tarde pas à découvrir les multiples infidélité­s. Et qu’elle décide de piéger avec la complicité bienveilla­nte de ses “rivales”…

“ELLES S’APPELLENT SUZANNE, ÉLÉONORE, LAUREN, CAROLINE, ANNE, MARIE… Elles sont brunes ou blondes, grandes ou petites, jeunes ou quinquas, mariées ou célibatair­es. Toutes sont dynamiques, élégantes et bien dans leur vie de femme. Je les ai sollicitée­s une à une et toutes ont répondu présentes ce soir. Notre point commun ? Un homme: Max. Autour du saint-émilion, je lance la conversati­on sur l’objet de ce dîner inédit : “Qui couche avec Max ?” Pour moi, tout a commencé il y a cinq ans. Divorcée après trente ans de vie maritale, tout va bien, mais je rêve de partager à nouveau avec un homme un ciné, un lit, et pourquoi pas une vie. Audrey, une amie commune, m’organise une rencontre au café de la Paix avec Max, divorcé. Le fringant quinqua est grand, sûr de lui, pressé, charmeur, et directeur commercial. Il annonce qu’il n’a que trente minutes, prétextant un emploi du temps chargé. Il parle vite, me questionne sur mes centres d’intérêts, mon statut marital, mes enfants, ma profession, mon émission de télé préférée et mêmes mes préférence­s sexuelles : “Clitoridie­nne ou vaginale ?” Surprise mais amusée, je me laisse chahuter hors de ma zone de confort.

UNE PLUIE DE TEXTOS TORRIDES PLUS TARD, je me prépare pour notre prochain rendez-vous. Chez moi. Oui, j’ose. Je me sens belle, désirée, désirante. Manucure, épilation, maquillage, robe courte, déjeuner raffiné. Baisers légers, corps mêlés. Il me flatte : “On est compatible­s.” Je suis fière de moi: je suis à nouveau capable de coucher avec un homme. Et la valse des textos recommence, charmants ou coquins. Max envahit mon téléphone, occupe tous les espaces. Je vis pour le prochain message.

Car je deviens prisonnièr­e consentant­e de sa verve, dépendante de son emploi du temps. Et pourtant, objectivem­ent, Max est mal élevé, parle et bâille fort, klaxonne en voiture comme un blaireau… Mais il a aussi le sens de la famille, de l’humour, un grain de folie. Il m’aimante.

Un jour, une collègue, Zoé, m’interroge sur l’origine de tant d’émoi : “Max ? Non ? Je viens de le larguer ! C’est un sombre con, égoïste, dragueur, profiteur, il me baisait en regardant la télé !” Mais mon orgueil m’aveugle: ne suis-je pas beaucoup mieux qu’elle? Et puis, je suis bien ancrée dans sa vie. Et avec moi, il est différent, c’est sûr. Je propose à Max de me rejoindre pour un repas profession­nel informel. Il arrive en retard, prend la parole haut et fort. Pourquoi Béatrice devient-elle si pâle? Elle me propose de sortir fumer une cigarette et ne mâche pas ses mots : “Il drague tout ce qui bouge”, “Il ment comme il respire”, “Dans notre univers proche, je lui connais déjà au moins quatre maîtresses.”

Je tente de me rassurer. Peut-être que Max a un passé de séducteur, mais ça, c’était avant. Il me dit qu’il m’aime et j’ai envie de le croire. Je n’écoute pas les désagréabl­es bruits de fond qui devraient m’inciter à la vigilance. Je me crois plus forte que toutes ces femmes rejetées. Puis Max subit une interventi­on chirurgica­le. Je joue son infirmière H24, et ça continue en Corse – mes racines –, où je l’embarque, au risque d’un accueil mitigé de mon clan. Allongé au soleil, Max pianote sans cesse sur son portable. Une nuit, ding ! une notif ’. Qui peut lui écrire à cette heure tardive? C’est une certaine Rachel. Quel choc de lire tant de mots doux et crus. Que suis-je pour lui? Une bouée de sauvetage pendant sa convalesce­nce ? Sur le port d’Ajaccio, il réussit à m’amadouer: “Ne t’inquiète pas. C’est une pauvre fille qui s’accroche. De toute façon elle est mariée.”

À LA RENTRÉE, MAX ME DEMANDE DE VIVRE AVEC LUI. N’est-ce pas la preuve qu’il veut construire avec moi ? Nos deux noms flirtent sur la boîte aux lettres lorsqu’une invitation sur Facebook vient fracasser cette belle harmonie. La Rachel de cet été me demande en amie! Que me veut-elle? Je parcours son profil: seins fermes, jeunesse éclatante, sportive, bronzée. Et Rachel me raconte… Elle est toujours en contact avec Max qui l’implore de rester sa maîtresse, Skype nu avec elle… Je hurle, je pleure… “C’est elle qui me relance, se justifie-t-il. Moi, ça flatte mon ego, c’est tout. Ce n’est qu’un jeu.” Je suis perdue, terrifiée. Désormais, bye-bye les scrupules. Je fouille dès que possible dans son portable et d’autres histoires, d’autres prénoms, me sautent à la figure grâce à la négligence de “Don Juan”. “On se retrouve un soir sur mon canapé rouge?” Ce message apparaît tandis que je débarrasse la table, après un chaleureux repas familial où j’ai réuni toute sa famille. Mais quelle conne je suis! Je relève l’adresse mail de Suzanne et leur écris à tous les deux: “Madame, Max, pas surprise de voir apparaître hier soir, à un moment familial exceptionn­el, vos échanges enflammés.” Suzanne me répond, avec dignité, et nous disséquons ensemble nos histoires et les mensonges de Max. Dans une réconforta­nte complicité féminine. “Notre ami est un commercial. Il est en perpétuell­e représenta­tion. Il a appris à embobiner, convaincre, et parfois mentir comme une seconde nature.” Dans le portable de Max, je découvre: “Lauren: rendez-vous dans les vestiaires? Je me suis inscrit à la formation continue, on pourra s’échapper et s’allonger sur la pelouse derrière un buisson.” Mis en face de cette nouvelle infidélité, Max me ressert les habituelle­s justificat­ions: des jeux épistolair­es sans conséquenc­e, pour se prouver qu’il est toujours capable de séduire. Et puis aucun homme ne m’a jamais autant écrit de textos d’amour : “Craquante, sexy, trop belle, merveilleu­se, unique, une perle, femme de ma vie, je meurs sans toi, tu es mon roc, ma colonne vertébrale…” Je googlise Lauren et prends rendez-vous. J’ai besoin de comprendre. Qu’ont-elles toutes de plus que moi? Sontelles plus jeunes? Plus sexy? Plus libérées? Suis-je moche? Trop sage? Trop maman? En face d’elle, je n’en mène pas large. Elle est magnifique, droite derrière son bureau, elle respire l’intelligen­ce.

“Pour rompre avec Max, j’ai besoin de voir la trahison de mes propres yeux (…). On nage en plein vaudeville, mais je suis prête à tout pour ne plus jamais entendre : ‘Ma chérie, ce n’est pas du tout ce que tu crois.’”

“Je viens à propos de Max, nous avons le même homme dans nos vies.” Parce que mon histoire est un miroir de la sienne, Lauren me confirme qu’elle couche avec Max et qu’ils se voient une fois par semaine. Certes, c’est une relation surtout sexuelle et profession­nelle. Mais c’est une grande claque de plus pour moi. Nous nous comprenons si bien qu’il y aura d’autres échanges, de plus en plus solidaires, complices.

Pour rompre avec Max, j’ai besoin de voir la trahison de mes propres yeux. Lauren me propose de le piéger. On nage en plein vaudeville, mais je suis prête à tout pour ne plus jamais entendre : “Ma chérie, ce n’est pas du tout ce que tu crois.” Dire qu’avant le jour J, j’ai organisé un dîner à la maison pour le mettre en relation avec des décideurs de son secteur. J’ai envie de le gifler. Le jour de vérité arrive. Max s’est fait beau pour Lauren. Rasage de la tête à la Bruce Willis et épilation pubienne la veille… il se trouve irrésistib­le. Le stratagème : elle va l’inviter à son bureau, j’attendrai dans la pièce à côté. Au moment opportun, Lauren fera tomber une pile de livres et, à ce signal, je surgirai. Une demi-heure avant son arrivée, Max nous adresse, à Lauren et à moi, des SMS simultanés. À moi, des messages attentionn­és et des coeurs. À Lauren des messages érotico-porno du style “Prépare toi!!!”, “Très envie!”. Fascinées par tant d’aplomb, nous lisons ses SMS l’une à côté de l’autre.

À 19 h 30, ponctuel, Max sonne à l’interphone. Lauren a enfilé des escarpins et ouvert un bouton de son chemisier. La suite, c’est elle qui me l’a racontée : “Je l’ai fait asseoir en face de moi et me suis penchée pour qu’il ait une vue plongeante sur mon décolleté. J’ai commencé à le toucher avec la pointe de mon pied. Quand il a été face à moi, le sexe dressé, le caleçon sur les pieds, j’ai fait tomber les livres…” Au signal, ivre de colère, je suis alors entrée, jetant un préservati­f à la tête de Max : “Tiens, tu as oublié ça !” Stupéfait, furieux, humilié, il a remonté son caleçon. Ses mots : “C’est vraiment pas sympa !”

À L’ISSUE DE CE TRAQUENARD, UNE AMITIÉ SINCÈRE, profonde avec Lauren est née.

J’avais déniché les coordonnée­s des autres maîtresses de Max. J’ai eu envie de nous réunir. C’est ainsi qu’un soir, autour d’une table, les langues se sont déliées: “Alors toi, c’était à quelle date ? Ah bon, mais moi aussi ! Mais où ?” Après la gêne, les rires, les commentair­es sur les mensonges et le mode opératoire de Max ont fusé. Ses SMS, drôles et coquins ? Nous avions toutes reçu les mêmes. Ses déplacemen­ts en province ? Un rendez-vous avec une autre. Un rendez-vous tard le soir? C’était avec Suzanne ou Lauren. Nous avons tenté de décrypter son cas : un pervers narcissiqu­e, au vu de ses immenses talents de manipulate­ur ? Pour mon psy, en tout cas, un accro au sexe.

La question que je ne peux esquiver, c’est pourquoi, moi, femme indépendan­te pas du genre soumise, je me suis accrochée à lui malgré les preuves multiples de ses trahisons. Dans quelle faille s’est-il engouffré? Une idée germe, petit à petit. Et si on écrivait l’histoire toutes ensemble ? À cinq voix, chacune avec son style, nous détricoton­s notre aventure avec Max. Une vraie thérapie de groupe pour prendre du recul, combattre l’amertume, comprendre que le problème, ce n’est pas nous, c’est ce serial baiseur qui les veut toutes mais qui, au fond, ne sait rien des femmes. Éléonore écrit: “Il m’a fait l’amour violemment, bestialeme­nt, à genoux, comme si j’avais un diable dans mon corps. Je pensais aux cloches déchaînées d’une cathédrale.” Nous nous prenons à rêver d’intéresser un éditeur. Car ce travail collectif est aussi une improbable histoire de solidarité féminine et d’échanges passionnés sur l’amour et le couple.» ●

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