Marie Claire

Sport: et si on en finissait avec le sexisme ?

- Par Catherine Durand et Corine Goldberger 104

Inégalité des salaires et des primes, sponsors frileux, manque de dirigeante­s et d’entraîneus­es, dress codes normatifs: le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu du sport est loin d’être gagné. Pourtant, à l’heure des J.O. de Tokyo, les prises de parole de championne­s charismati­ques ou l’audace de certains clubs féminins font naître l’espoir d’un avenir (enfin) plus juste.

Le 8 mars dernier, dans le hall du siège du Comité national olympique et sportif français, la statue d’Alice Milliat (1) était installée à côté de celle de Pierre de Coubertin. Un hommage tardif pour celle qui a créé, il y a un siècle, des Jeux féminins face aux refus répétés du baron pour qui «une olympiade femelle serait inintéress­ante, inesthétiq­ue et incorrecte» ! « Elle a remplacé… une grande plante verte. Tout un symbole, s’amuse Assia Hamdi, journalist­e spécialisé­e en sport (2). Alice Milliat a été totalement oubliée alors qu’elle a marqué l’histoire du sport et que c’est grâce à elle qu’il existe aujourd’hui autant d’épreuves olympiques féminines. Mais il aura fallu quand même attendre 2014 pour que l’épreuve du saut à ski ne soit plus interdite aux femmes.»

LES PROCHAINS J.O. DE TOKYO AFFICHENT UNE PROPORTION DE 48,8 % D’ATHLÈTES FÉMININES, et ceux de Paris 2024 seront les premiers à atteindre la parité parfaite. Belle annonce mais l’histoire de la place des femmes dans le sport, créé à la fin du XIXe siècle par les hommes pour les hommes, ressemble furieuseme­nt à un parcours d’obstacles. Avec ses interdits, ses discrimina­tions, ses stéréotype­s, combattus par des pionnières cantonnées à la pratique amateure et des sportives de haut niveau plus souvent sur les podiums que dans les retransmis­sions en prime time.

« Dans ce marathon, les hommes sont au 42e km et nous, pas encore parties, déplore Béatrice Barbusse (3), sociologue du sport, vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball. J’ai 55 ans. À 10 ans, je ne pouvais pas faire du foot et la boxe, alors discipline olympique, m’était interdite. On nous a empêchées de pratiquer, les hommes ont pris une avance au mieux de cinquante ans, au pire d’un siècle, sur nous. J’ai dirigé un club profession­nel masculin, je connais l’économie du sport, il y a une dette historique du sport masculin envers le sport féminin. Égalité salariale, sponsoring, médiatisat­ion… on n’avancera pas sans volontaris­me. »

Le nerf de l’égalité, c’est l’argent: celui des salaires et des primes, du merchandis­ing et des sponsors. Or, sur les dix mille sportifs profession­nels français, il y a moins de 10 % de femmes. «La profession­nalisation est le point central, confirme Assia Hamdi. Prenez l’Équipe de France de rugby, leurs principale­s rivales sont les Anglaises. En équipe pro, elles, elles n’ont pas besoin d’un job en parallèle, donc plus de temps pour s’entraîner. Il y a des combats à mener avec les fédération­s, avec des spécificit­és pour chaque sport, et des questions délicates à trancher: si on prend le foot, faut-il créer une ligue profession­nelle féminine ou rattacher le championna­t féminin à la ligue de football masculin – une piste défendue par la délégation aux droits des femmes du Sénat?»

POURQUOI LE MEILLEUR CLUB DE FOOT FÉMININ DU MONDE EST-IL L’OLYMPIQUE LYONNAIS, dont la pelouse fut foulée par Amandine Henry et Megan Rapinoe? En 2004, son président, Jean-Michel Aulas, a créé et financé la section féminine de son club parce qu’il y a cru. Aujourd’hui, il bénéficie des retombées de cet emballemen­t. Mais quand l’argent tombe dans les caisses des clubs, encore faut-il une redistribu­tion équitable. Aux États-Unis, des footballeu­ses, dont Megan Rapinoe, ont porté plainte pour «discrimina­tion de genre institutio­nnalisée » ; au Nigeria, elles ont refusé de quitter leur hôtel tant qu’on ne leur verserait pas de primes; au Danemark, elles ont boycotté un match décisif… Et en France ? «Nos sportives ne sont pas revendicat­ives, déplore Catherine Louveau, sociologue, professeur­e émérite à

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