Sport: et si on en finissait avec le sexisme ?
Inégalité des salaires et des primes, sponsors frileux, manque de dirigeantes et d’entraîneuses, dress codes normatifs: le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu du sport est loin d’être gagné. Pourtant, à l’heure des J.O. de Tokyo, les prises de parole de championnes charismatiques ou l’audace de certains clubs féminins font naître l’espoir d’un avenir (enfin) plus juste.
Le 8 mars dernier, dans le hall du siège du Comité national olympique et sportif français, la statue d’Alice Milliat (1) était installée à côté de celle de Pierre de Coubertin. Un hommage tardif pour celle qui a créé, il y a un siècle, des Jeux féminins face aux refus répétés du baron pour qui «une olympiade femelle serait inintéressante, inesthétique et incorrecte» ! « Elle a remplacé… une grande plante verte. Tout un symbole, s’amuse Assia Hamdi, journaliste spécialisée en sport (2). Alice Milliat a été totalement oubliée alors qu’elle a marqué l’histoire du sport et que c’est grâce à elle qu’il existe aujourd’hui autant d’épreuves olympiques féminines. Mais il aura fallu quand même attendre 2014 pour que l’épreuve du saut à ski ne soit plus interdite aux femmes.»
LES PROCHAINS J.O. DE TOKYO AFFICHENT UNE PROPORTION DE 48,8 % D’ATHLÈTES FÉMININES, et ceux de Paris 2024 seront les premiers à atteindre la parité parfaite. Belle annonce mais l’histoire de la place des femmes dans le sport, créé à la fin du XIXe siècle par les hommes pour les hommes, ressemble furieusement à un parcours d’obstacles. Avec ses interdits, ses discriminations, ses stéréotypes, combattus par des pionnières cantonnées à la pratique amateure et des sportives de haut niveau plus souvent sur les podiums que dans les retransmissions en prime time.
« Dans ce marathon, les hommes sont au 42e km et nous, pas encore parties, déplore Béatrice Barbusse (3), sociologue du sport, vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball. J’ai 55 ans. À 10 ans, je ne pouvais pas faire du foot et la boxe, alors discipline olympique, m’était interdite. On nous a empêchées de pratiquer, les hommes ont pris une avance au mieux de cinquante ans, au pire d’un siècle, sur nous. J’ai dirigé un club professionnel masculin, je connais l’économie du sport, il y a une dette historique du sport masculin envers le sport féminin. Égalité salariale, sponsoring, médiatisation… on n’avancera pas sans volontarisme. »
Le nerf de l’égalité, c’est l’argent: celui des salaires et des primes, du merchandising et des sponsors. Or, sur les dix mille sportifs professionnels français, il y a moins de 10 % de femmes. «La professionnalisation est le point central, confirme Assia Hamdi. Prenez l’Équipe de France de rugby, leurs principales rivales sont les Anglaises. En équipe pro, elles, elles n’ont pas besoin d’un job en parallèle, donc plus de temps pour s’entraîner. Il y a des combats à mener avec les fédérations, avec des spécificités pour chaque sport, et des questions délicates à trancher: si on prend le foot, faut-il créer une ligue professionnelle féminine ou rattacher le championnat féminin à la ligue de football masculin – une piste défendue par la délégation aux droits des femmes du Sénat?»
POURQUOI LE MEILLEUR CLUB DE FOOT FÉMININ DU MONDE EST-IL L’OLYMPIQUE LYONNAIS, dont la pelouse fut foulée par Amandine Henry et Megan Rapinoe? En 2004, son président, Jean-Michel Aulas, a créé et financé la section féminine de son club parce qu’il y a cru. Aujourd’hui, il bénéficie des retombées de cet emballement. Mais quand l’argent tombe dans les caisses des clubs, encore faut-il une redistribution équitable. Aux États-Unis, des footballeuses, dont Megan Rapinoe, ont porté plainte pour «discrimination de genre institutionnalisée » ; au Nigeria, elles ont refusé de quitter leur hôtel tant qu’on ne leur verserait pas de primes; au Danemark, elles ont boycotté un match décisif… Et en France ? «Nos sportives ne sont pas revendicatives, déplore Catherine Louveau, sociologue, professeure émérite à