Marie Claire

Joumana Jacob, le goût du partage

Au coeur de Bordeaux, elle reçoit chez elle (1), dans une maison qui lui ressemble, autour d’une cuisine libanaise généreuse et joyeuse, à son image.

- Par Elvira Masson Photos Fred Lahache

ELLE OUVRE LA PORTE DE SON HÔTEL PARTICULIE­R EN

joli comme une robe paysanne avec sa TABLIER INDIGO, rangée de fleurs brodées. Son regard pétille. « Viens dans la cuisine, j’ai préparé beaucoup trop de choses, on avait dit une salade mais finalement j’ai eu mille autres idées. » À peine le porche de la maison franchi, qui fait office de vestibule, et déjà le premier espace de réception, avec son canapé et sa longue table en bois sur laquelle sont arrangées des tasses anciennes, des carreaux de céramique, de petits paniers en osier, comme un accrochage poétique au destin en devenir: on est sous le charme. L’oeil s'agrippe à des détails, quelques fleurs de pavot, le cuir d’un canapé vintage, un livre de photos du Liban, des portraits de famille. Rien de convenu, rien de surdécoré, juste un ordonnance­ment élégant et inspiré, naturel et plein de surprises. On file en cuisine, donc, pour découvrir le coeur battant de Maison Joumana. Là où tout a débuté. Et tandis qu’elle hache le persil et la menthe pour son taboulé, on parle de tout et de rien – donc de tout – en contemplan­t le jardin à travers la verrière, les feuilles de palmier frémissant­es et le soleil qui caresse la nappe ancienne d’une table déjà dressée.

de la ON PARLE DE LA VIE PARISIENNE QU’ELLE A QUITTÉE, décision de refaire sa vie avec ses deux fils à Bordeaux, presque sur un coup de tête, après avoir rendu visite à son amie Vasanti, installée dans la région et qui vient souvent lui donner un coup de main quand elle reçoit. Après quinze ans passés comme institutri­ce en ZEP, elle a eu envie d’autre chose. «J’adorais mon métier mais j’ai éprouvé le besoin m’exprimer et de me nourrir autrement, peut-être aussi de prendre soin d’une autre façon, en partageant ce qui me fait le plus vibrer au monde : la cuisine. » On évoque encore l’enfance heureuse au Liban, avant la guerre, entre une mère féministe, « première femme criminolog­ue du pays », et un père qui travaille dans le prêt-à-porter. Le goût de cette enfance est marqué par les plats que prépare sa nounou égyptienne. «Ma mère n’en avait ni le temps ni

l’envie. Elle considérai­t qu’il avait déjà été assez difficile comme ça de s’extraire de l’assignatio­n aux fourneaux. Elle ne cuisinait donc que des oeufs durs mélangés avec des pommes de terre écrasées, arrosés d’huile d’olive et de vinaigre, une recette que tous les enfants libanais connaissen­t. » Pour le reste, sa nounou lui a tout appris. «Enfin, c’est beaucoup dire, s’amuse Joumana. Encore aujourd’hui, elle a bien du mal à lâcher autre chose que des bribes de recettes. Je comprends, ce sont plus que des recettes, c’est le lien qui nous unit.» Créer ou recréer du lien, voilà ce qui est au coeur de son existence.

ELLE PEUT RECEVOIR JUSQU’À TRENTE CONVIVES LE SOIR

dedans, dehors, avec un sens CHEZ ELLE, À LA LIBANAISE, exquis de la table. Nappes et serviettes brodées, carafes à vin de la collection de son père, beaucoup de vaisselle de famille – «Je reviens toujours de Beyrouth avec une valise pleine » – mais aussi des pièces chinées au fil des ans. Et toujours des fleurs fraîches. Le taboulé est

“J’adorais mon métier mais j’ai éprouvé le besoin m’exprimer et de me nourrir autrement, peut-être aussi de prendre soin d’une autre façon, en partageant ce qui me fait le plus vibrer au monde : la cuisine.”

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 ??  ?? À gauche: Joumana Jacob dans le jardin de son hôtel particulie­r à Bordeaux.
Ci-contre : toujours des fleurs fraîches, comme ces pavots sur la table de la salle à manger.
Au mur, à droite de la cheminée, une toile de Virginie Clavereau, une des artistes venue en résidence chez Maison Joumana. Ci-dessous : de la vaisselle et des meubles de famille, des pièces chinées et quelques touches de design contempora­in, heureux mélange des genres.
À gauche: Joumana Jacob dans le jardin de son hôtel particulie­r à Bordeaux. Ci-contre : toujours des fleurs fraîches, comme ces pavots sur la table de la salle à manger. Au mur, à droite de la cheminée, une toile de Virginie Clavereau, une des artistes venue en résidence chez Maison Joumana. Ci-dessous : de la vaisselle et des meubles de famille, des pièces chinées et quelques touches de design contempora­in, heureux mélange des genres.
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