L’horiatiki
On la connaît sous le nom de “salade grecque” partout dans le monde. Sauf en Grèce, où ce mets au parfum de vacances, juteux et gorgé de soleil, se décline selon le goût des régions. Simple comme “kalimera” à préparer, la version personnelle que nous en livre la brillante jeune cheffe Mikaela Liaroutsos* repose sur la qualité des produits utilisés et la justesse de son assaisonnement.
Un PARFUMÉE, VIVE, SAPIDE, JUTEUSE, ELLE EST UN PRÉCIPITÉ D’ÉTÉ. déjeuner de soleil à elle seule. En Grèce, on ne l’appelle pas « salade grecque ». Ce serait aussi absurde que réducteur. Comme s’il n’y avait en Grèce qu’une salade, comme si une cuisine pouvait être résumée à une unique recette. On la croise dans les restaurants, les tavernas de bord de mer ainsi qu’à la maison sous le nom de rtlfáofgd, phonétiquement horiatiki, qui signifie « rustique ». C’est une salade composée originaire de Crète, région dont la popularisation du fameux « régime » a escamoté sa richesse culinaire, comme le confirme Mikaela Liaroutsos, brillante cheffe franco-grecque du restaurant parisien Etsi, qui nous charme en puisant au meilleur du terroir hellène pour créer un répertoire délicieux, grec dans l’esprit mais contemporain. «J’ai peur de m’attirer des ennuis en disant cela mais la Crète me fait penser un peu à la Corse, avec son identité très forte, son côté sauvage, sa puissante vie rurale, et une cuisine fabuleuse qu’on ne connaît pas très bien. Je rêve de trouver le temps d’en explorer la richesse. »
câpres, TOMATES, CONCOMBRES, OIGNON ROUGE, OLIVES DE KALAMATA, piment doux ou poivron. On l’assaisonne d’huile d’olive et de vinaigre, « jamais de citron, qui ne fait pas bon ménage avec la tomate ». On ajoute de l’origan séché mais ni poivre ni sel, qui est apporté par la feta. «Très important, la feta, martèle Mikaela. Il faut éviter le tout-venant et choisir une version artisanale d’excellente qualité, comme celle que propose Alexandros Rallis chez Profil Grec (1). » Ce dernier, aux côtés de Mikaela, de l’équipe du Grand Café d’Athènes (2), et d’une poignée d’autres amoureux·ses de leur pays d’origine ont contribué à l’émergence de la nouvelle vague grecque à Paris. Une cuisine marquée par la diversité de ses régions – on ne mange pas la même chose dans les montagnes du Péloponnèse que dans les Cyclades.
île des Cyclades où elle est MIKAELA RETOURNE SOUVENT À SERIFOS, née et où vit une partie de sa famille. Bien sûr, elle y mange de la «salade grecque» mais avoue un net penchant pour une autre, moins connue et tout aussi merveilleuse, le dakos. « Le principe est
tout simple: c’est un pain spécial, biscotté (cuit deux fois), croquant, rond et épais, le paximadi, qui sert de support à un tartare de tomate. » L’eau de la tomate vient imbiber le paximadi, que l’on se hâte de manger avant qu’il ne soit détrempé. Ceci lui a inspiré la recette qu’elle nous livre, un hybride horiatiki-dakos, une salade intrinsèquement grecque dans l’esprit mais fruit de son imagination, que l’on peut réaliser avec des tranches de bon pain au levain rassis. Les ingrédients sont mélangés à la main. C’est le seul tour de main de cette recette mais il a son importance. Le contact avec la matière, la légère pression exercée qui offre une intimité aux ingrédients et la jutosité qui en résulte contribuent à la réussite de la préparation. Le genre de plat qui répond à ce nouvel élan que décrit Mikaela : «Celles et ceux qui s’attablent chez moi reviennent de Grèce curieux de découvrir de nouvelles saveurs, d’autres partent pour la Grèce après que je les aie éveillés à sa cuisine.» On dit comment cercle vertueux en grec?
1. 7, rue de Savies, Paris 20e. profilgrec.com 2. 74, rue du FaubourgSaint-Denis, Paris 10e. grandcafedathenes.fr