Entre rire, voyage et passion: six romans à glisser dans sa valise.
Pour partir encore plus loin pendant les vacances, on n’oublie pas d’emporter (au moins) l’un des romans de notre sélection. Ils sont, tous à leur manière, autant d’invitations au rêve, au rire et au dépaysement.
Un talent ensorcelant Bermudes de Claire Legendre
Cette lecture a quelque chose… d’hypnotique : c’est l’adjectif qui s’impose, tant nous capture le talent de l’auteure, embarquée de la vieille Europe où elle vivait et aimait (à Nice, à Vienne, à Prague) vers le Canada, sur les traces de Nicole Franzl, écrivaine autrichienne partie jusque sur les rives du fleuve Saint-Laurent où sa trace et sa vie se sont perdues… Cette enquête, menée avec le charme et la décontraction (relative) de celle qui a largué les amarres et essaie de se cerner elle-même, nous ensorcelle par touches. La narratrice croise, entre autres, deux hommes qui prendront une certaine importance dans sa quête hasardeuse : l’un, avocat médiatique et insaisissable, l’autre, chanteur de rock à la célébrité embarrassante. Et mon tout peut se lire avec bonheur au soleil couchant, dans l’espoir de beaux lendemains.
Éd. Grasset, 20 €.
Le précis de tchatche L’amour, c’est surcoté de Mourad Winter
Plus drôle, tu meurs. L’auteur, 34 ans, comédien, humoriste autoproclamé « Petit Prince du Stand-up » en 2017, s’estime «très drôle mais pour très peu de gens ». C’est vrai que dans ce premier roman, il n’y va pas avec le dos de la cuillère argentée qu’il n’avait pas dans la bouche en naissant. Il ne coche pas toutes les cases du politiquement correct mais sait très bien se moquer de luimême, ce qui prouve qu’il l’est quand même (correct). De quoi s’agite-t-il ici? De l’art de draguer une femme formidable, quand tu pars avec le handicap du craignos absolu, abonné à la lose…
Éd. Robert Laffont, 19,50 €.
Une traversée du désir Les muses ne dorment pas de Zoé Valdès
Qu’est cette collection « Ma nuit au musée » ? Des auteur·es enfermé·es une nuit dans un musée et devant pondre un livre sur ce que ça leur évoque. Comme pour Zoé Valdès, cloîtrée au musée Thyssen-Bornemisza de Madrid. Elle s’y intéresse à deux muses et modèles ayant inspiré Bonnard et Balthus, dont la peinture était friande de poses charmeuses, voire érotiques. Dans ce texte, qui se dévore des yeux comme Bonnard dévorait la jeune Renée des siens, ou Balthus Zoé Valdès elle-même quand elle était plus jeune – laquelle posait aussi en cachette de son mari pour un photographe érotomane –, on participe à cette valse du désir et de la création, de la nudité et de la fausse innocence, de la libido et du génie…
Traduit de l’espagnol (Cuba) par Albert Bensoussan, Éd. Stock, 19,50 €.
Un hymne à la vie La vie rêvée des hommes de François Roux
L’histoire de ces deux-là vous collera la larme à l’oeil et la joie au coeur, car aimer à ce point, quelle qu’en soit l’issue, est un hymne à la vie. En août 1944 à Paris, deux soldats fêtent la Libération – Stanley, NewYorkais de 30 ans, et Paul, Breton de 19 ans. Un coup de foudre au milieu des derniers tirs dans la capitale. À une époque où l’homophobie frappe encore plus fort qu’aujourd’hui, s’aimer entre personnes de même sexe n’allait vraiment pas de soi. Cet amour, feu d’artifice sexuel et affectif, dura quelques jours avant qu’ils se séparent en se jurant de ne pas s’oublier. Déshonneur familial, double vie et détestation de soi-même… tel est, et demeure encore trop souvent, le revers d’enfer de la condition homosexuelle, dont ce roman vibrant de François Roux nous propose une fresque inoubliable.
Éd. Albin Michel, 19,90 €.
Un Goncourt du rire L’anomalie du train 006 de Pascal Fioretto
Plutôt que de mettre les écrivain·es en boîte, ce que fait d’habitude Pascal Fioretto, il les a mis dans un train. Le train 006, qui chaque année emmène les stars de l’édition (en herbe aussi, ou en jachère) de Paris à la Foire du Livre de Brive. Après son irrésistible pastiche Mélatonine de Marcel Klouellebecq, il croque six auteur·es célèbres, dont Hervé Le Tellier, le dernier Goncourt pour L’Anomalie, vendu à plus d’un million d’exemplaires, qui a accueilli cet ouvrage avec beaucoup de fair-play. Outre Le Tellier, qui se prélasse dans ces wagons de la gloire? Virginie Despentes, toujours en colère et plaisamment ordurière, un clone de Joël Dicker en jeune écrivain suisse bien peigné, auteur de La vérité sur l’affaire de la disparition des vaches à cloches, et le douloureux Emmanuel Carrère ruminant sa culpabilité avec un « j’ai fréquenté tant de gens malheureux pour mes livres que j’ai fini par me demander si ce n’était pas moi qui leur attirais des ennuis ». Citons aussi, dans ce train : Éric-Emmanuel Schmitt, Aurélie Valognes et Sylvain Tesson. Avec en guest stars Leïla Slimani et Delphine de Vigan, qui paient ici assez cher leur billet.
Éd. Herodios, 16 €.
Un cocktail ensoleillé Haute saison d’Adèle Bréau
Trois fois aïe, ou plutôt quatre puisque c’est le nombre de personnages principaux de cette comédie douce-amère, venus s’échouer dans ce Club Océan près de Biarritz. Rassurez-vous, ce ne sont pas Les bronzés font du ski nautique : on sourit souvent mais c’est bien plus fin que ça… Chantal, qui a pour ces vacances la garde de ses petits-enfants, Matthias, le papa solo lâchement séduit par l’option papa-zéro du miniclub, et Fanny, espérant resserrer ici les liens de son couple en panne des sens, tou·tes vont ramer à leur manière, et comme il y a beaucoup de vagues sur la côte basque… Mais il y a aussi des courants, qui ne vous emmènent pas toujours vers le pire annoncé. Ce sémillant roman de la journaliste Adèle Bréau se sirote jusqu’au bout comme un cocktail plus corsé qu’il ne paraît.
Éd. JC Lattès, 19,90 €.