Vicky Krieps
Port altier et bouille juvénile, beauté spontanée et oeil rebelle, elle a un nom de star hollywoodienne et la réserve d’une fille discrète. Remarquée en 2017 dans Phantom
thread, l’actrice luxembourgeoise de 37 ans poursuit avec succès sa carrière internationale. Cet été, on la retrouvera en compétition à Cannes dans Bergman island de Mia Hansen-Løve (1), et aussi dans
Old de M. Night Shyamalan (2). 1
FORTERESSE Allemande par sa mère et Luxembourgeoise par son père, elle grandit à Hesperange, au Luxembourg, dans une maison située à côté d’un château en ruine. Enfant, elle cache les bijoux de sa mère dans la forteresse et envoie son frère et sa soeur les chercher. Mais ils restent à ce jour introuvables… Adolescente, elle se déguise en femme du Moyen Âge, écoute Suzanne Vega, compose du «schlager» (variété allemande), lit Rimbaud, écrit des poèmes sur le chocolat… «Peut-être que si je n’avais pas grandi dans ce décor, je ne serais pas devenue actrice».
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SCANDALE Le jour de la remise du diplôme du bac, elle monte sur la scène du lycée, un ancien établissement de garçons devenu mixte, et prend le micro: «Je vous remercie de m’avoir appris à faire du par coeur, à recopier et… à fermer ma gueule. » Le discours fait scandale, les journaux locaux critiquent sa prise de position.
« Mais je ne pouvais pas me taire alors que j’avais souffert de cet apprentissage si conservateur… » Sa mère, devenue femme au foyer après des études d’art, et son père, directeur d’une société de distribution de films, « tous les deux du genre hippie», la soutiennent.
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CHAMANE À 19 ans, elle part faire du bénévolat pendant quatre mois dans une township, à quelques kilomètres de Cape Town, en Afrique du Sud, auprès d’enfants séropositifs. «J’avais besoin de m’échapper de mon petit pays pour voir le monde, retrace-t-elle. Les sourires de ces enfants m’ont appris à célébrer la vie au quotidien. » Lors d’un voyage en autostop, elle se lie d’amitié avec une famille qui l’emmène en vacances: ce road trip la conduit au Mozambique, en Tanzanie et au Kenya. «Leur fille avait mon âge. Chamane, elle m’a fait découvrir ses préparations à base d’herbes et de plantes. » Vicky a conservé un bouquet de sauge séchée.
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FAUST À 26 ans, elle met en scène Kopf ab (Couper la tête), une pièce qu’elle a écrite pendant ses études de théâtre à l’université des Arts de Zurich: «À deux semaines de la première, je me suis aperçue que ça ressemblait à Faust. En urgence, j’ai demandé à ma mère de jouer Méphistophélès. Il s’agissait surtout de traverser la scène de manière démoniaque… Les critiques ont salué son regard vers l’au-delà. Elle a fait sensation.» À cette époque, elle apprend qu’elle est enceinte. «Ma carrière débutait timidement et j’avais un découvert de deux mille euros. Mais je me suis dit ce que je me dis toujours: ça va aller.»
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“SEHNSUCHT” Ce mot allemand n’a pas d’équivalent en français. «On pourrait le traduire par nostalgie mais le sens va au-delà. C’est la sensation très profonde d’éprouver le manque de quelque chose qu’on ne connaît pas encore… J’appellerais cela de la nostalgie positive. Le sehnsucht me tire toujours au loin tout en me connectant avec moi-même.»
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FÅRÖ C’est sur cette petite île aride de la mer Baltique, en Suède, qu’elle a tourné l’été dernier Bergman island de Mia Hansen-Løve. Elle y joue une réalisatrice venue écrire un scénario dans la maison d’Ingmar Bergman, devenue une résidence d’artistes. «Tous les matins, comme mon personnage, j’allais nager dans la mer froide où les raukars (des aiguilles de pierre) transpercent l’eau. » Quelques mois après, elle tourne Old de M. Night Shyamalan, sur une autre île, la République dominicaine. «Les deux films jouent avec le réel et l’irréel (le fantôme de Bergman chez Hansen-Løve et le vieillissement accéléré chez Shyamalan). »
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SURF Pendant le premier confinement, Mathieu Amalric, avec qui elle a tourné Serre-moi fort (3), lui prête sa maison en Bretagne, dans le Trégor. Elle passe une semaine à surfer… Un sport que son père lui a appris: « J’aime m’adapter aux éléments naturels.» Enfant, elle pratique l’escalade comme son grand-père, Robert Krieps, un modèle pour la famille: « Membre de la Résistance pendant la guerre, il a survécu aux camps de concentration, puis est devenu ministre au Luxembourg où il a aboli la peine de mort.»
1. Avec aussi Tim Roth et Mia Wasikowska (en salle le 14 juillet).
2. Avec aussi Gael García Bernal et Rufus Sewell (en salle le 21 juillet).
3. Avec aussi Arieh Worthalter (bientôt en salle).