“IL N’Y A PLUS DE BALANCE CHEZ MOI”
OVIDIE, JOURNALISTE ET RÉALISATRICE
«En 1986, quand l’aspartame a été commercialisé en France, j’en ai pris, j’avais 6 ans. J’ai toujours été au régime. J’avais un problème de dysmorphie corporelle. J’ai grandi dans un univers culturel où l’obsession était à la minceur voire à la maigreur, le rêve des petites filles était de devenir mannequin. 30 ans a été le pic. Je courais tous les jours, si je prenais 2 kg, je travaillais chez moi pour éviter de croiser des gens. Que d’énergie gâchée. Je le raconte dans la série Libres ! (1), un des éléments déclencheurs de ma prise de conscience a été une cryolipolyse. Allongée, j’avais mal avec ce truc qui m’aspirait le ventre, une fois retiré, j’avais comme une escalope surgelée, je me suis dit: mais je fais quoi, là? Je tue mes cellules? Quel sens de claquer l’équivalent d’un Smic pour me faire congeler le ventre? Il n’y a plus jamais eu de balance chez moi. Puis, j’ai réalisé une série radiophonique, Vivre sans sexualité (2). Avec mon coréalisateur, on s’est fixé une année d’abstinence sexuelle. Les premiers mois, j’étais attristée de ne plus être validée à travers le regard de l’autre. Mais j’ai fini par être libérée de ça, c’est ce que dit Despentes, “c’est 40 kg de contraintes qui sont tombées” quand elle a arrêté d’être hétéro. Même si plus aucun homme ne me regardait aujourd’hui, je ne suis pas sûre que ça me manquerait. Ça a été la même chose avec mon obsession du poids, je n’avais plus besoin de me faire valider. La série radio a accéléré le processus, mais c’est le résultat de vingt-cinq ans de combat féministe. Le militantisme féministe donne l’image de quelque chose qui est dans la dénonciation, qui tourne en boucle autour de ce qui nous fait mal, mais ça peut nous faire du bien aussi.»
1. Sur arte.tv (Cultures et Pop). 2. Podcasts sur France Culture.