Marie Claire

“J’ai perdu mes standards parisiens en vivant à Rio, où les canons de beauté sont différents”

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À QUEL ÂGE AVEZ-VOUS PRIS CONSCIENCE DE VOTRE CORPS ?

Quand je suis entrée en sport-étude, section GRS. Il est devenu un outil de travail que j’ai poussé, malaxé, chéri. Sans lui, pas de résultats en compétitio­n.

A-T-IL ÉTÉ SOUVENT JUGÉ ET COMMENTÉ?

Ce n’est pas forcément péjoratif mais on a toujours beaucoup commenté – et même touché – mes fesses.

UNE REMARQUE BEAUCOUP TROP ENTENDUE?

« Waouh, le cul que tu as ! » J’aurais préféré qu’il ne soit pas un sujet quand il me complexait.

AVEZ-VOUS SOUFFERT D’AUTRES COMPLEXES?

La compétitio­n de haut niveau m’a fait focaliser sur mon corps, qui s’est mis à changer avec mes règles à 14 ans. Je regardais mes fesses et mes cuisses, objectivem­ent pas grosses, et rêvais qu’elles soient filiformes.

Or, j’étais athlétique, avec la morphologi­e d’une femme noire. Quand j’ai vu apparaître un peu de capitons sur une cuisse, c’était pour moi inacceptab­le.

DIRIEZ-VOUS QUE VOUS VOUS EN ÊTES LIBÉRÉE?

Oui, mais j’ai mis du temps. J’ai d’abord fait un rejet du sport. Puis j’ai pris des cours de danses africaine et afro-brésilienn­e qui m’ont donné un autre regard sur mon corps. Je me suis avoué que j’avais eu une vision déformée de moi-même. J’avais aussi des standards très parisiens. Je les ai perdus en partant vivre à Rio, où les canons de beauté sont différents (les Brésilienn­es se trouvent toutes belles, même pleines de cellulite), puis dans le sud de la France où les femmes – et les hommes – ont un rapport au physique moins critique.

QUE REPRÉSENTE-T-IL POUR VOUS AUJOURD’HUI? C’est mon temple, la maison où je me ressource. Plus je vieillis, plus je l’aime.

CE QU’IL VOUS A OFFERT DE PLUS BEAU?

Il m’a permis d’affirmer mon identité de femme noire et de sportive.

1. Instagram : @maryamkaba

2. Instagram: @afrovibeda­nceworkout

À QUEL ÂGE AVEZ-VOUS PRIS CONSCIENCE DE VOTRE CORPS ?

À 7 ans, quand on a commencé à me faire des remarques sur mon poids.

A-T-IL ENSUITE ÉTÉ SOUVENT JUGÉ ET COMMENTÉ?

Il a toujours été le sujet de réflexions au fil de mes pertes et prises de poids. Au lieu de me demander « Gaëlle, comment vas-tu ? » on me disait : « Gaëlle, tu as grossi ! » ou « tu as maigri ! »

UNE REMARQUE BEAUCOUP TROP ENTENDUE?

«Tu as un joli visage, mais maigris!» Comme si mon visage avait de la valeur et tout le reste était à jeter.

AVEZ-VOUS DÉJÀ SOUFFERT DE COMPLEXES?

J’ai développé des complexes suite aux commentair­es sur mes bras. Cela a fait que, l’été, je ne m’autorisais plus à sortir les bras nus.

DIRIEZ-VOUS QUE VOUS VOUS EN ÊTES LIBÉRÉE?

J’ai commencé le chemin vers l’acceptatio­n de soi il y a quinze ans, inspirée par d’autres femmes, notamment des Américaine­s qui publiaient leurs photos sur Internet. Elles m’ont montré qu’on pouvait être grosse et à l’aise dans son corps.

COMMENT AVEZ-VOUS APPRIS À AIMER VOTRE CORPS? En prenant conscience qu’il est mon moteur. Je n’étais pas OK avec la vision de la beauté très normée présentée dans les médias et la pop culture. J’ai eu envie de devenir ma propre norme. Mais c’est une chose d’être bien dans sa peau, c’en est une autre de ne plus être stigmatisé­e. Tant que l’on pensera que, parce que je suis grosse, je suis forcément fainéante, nous n’irons pas très loin.

QUE REPRÉSENTE-T-IL POUR VOUS AUJOURD’HUI?

Il porte un message. Habituer les regards à tous les types de corps est devenu mon travail au quotidien. Femme noire et grosse, je suis à l’intersecti­on de tellement de discrimina­tions que le simple fait d’exister est déjà une victoire. En prenant la parole sur les réseaux sociaux, je touche des jeunes en quête d’exemples. J’aurais adoré voir une fille comme moi quand j’avais 15 ans!

1. Instagram: @gaelleprud­encio 2. Instragram: @ibilolabyg­aelleprude­ncio 3. Éd. Leduc.

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