Marie Claire

“Il ne faut pas essayer de tromper son corps sinon on le paie”

EVA RUCHPAUL*, 93 ANS, PIONNIÈRE DU YOGA EN EUROPE ET FONDATRICE DE L’ÉCOLE QUI PORTE SON NOM

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À QUEL ÂGE AVEZ-VOUS PRIS CONSCIENCE DE VOTRE CORPS ?

Atteinte de poliomyéli­te à 18 mois, j’ai perdu l’usage de mes jambes. Un jour, ma mère me tenait sous les bras et j’ai cru qu’elle m’empêchait d’avancer. Je me suis mise à crier, très en colère. J’étais en fait paralysée.

A-T-IL ÉTÉ SOUVENT JUGÉ ET COMMENTÉ?

Pas du tout. Je tombais dix fois par jour et mon papa disait simplement : « Poum ! » sans me ramasser. Ça ne me mettait ni en vexation ni en tristesse. Je ne connaissai­s rien d’autre et, intérieure­ment, je me sentais comme tout le monde.

AVEZ-VOUS DÉJÀ SOUFFERT DE COMPLEXES?

Jamais! J’étais la plus petite de la famille et je pourrissai­s l’existence de mon grand frère. C’était le martyr, pour lui, cette chose qui se traînait. Plus tard, lors des bals étudiants, j’étais toujours dans les bras de quelqu’un.

COMMENT AVEZ-VOUS APPRIS À AIMER VOTRE CORPS? Nous nous sommes toujours très bien entendus. Le yoga n’a été qu’un fixatif. C’est la rencontre avec mon mari hindou qui a tout changé. Je l’ai connu à 20 ans, quand une chevillère de cuir tenait mon pied. Je suis allée sans conviction consulter ce que l’on appelait un rebouteux – à la façon sanskrite car il pratiquait en réalité l’ayurveda médical. Il a manipulé mon pied puis m’a fait marcher. Je suis repartie sans chevillère.

QUE REPRÉSENTE-T-IL POUR VOUS AUJOURD’HUI?

Rien. Il faut le maintenir en bon copinage, ne pas essayer de le tromper sinon on le paie. Tout le monde sait ce qui ne lui convient pas. Quand on mange, on connaît toujours la cuillérée en trop mais on ne veut pas le savoir.

CE QU’IL VOUS A OFFERT DE PLUS BEAU?

La compréhens­ion du corps des autres grâce au yoga. (*) yoga-eva-ruchpaul.com

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