Valérie Donzelli : “Nona et ses filles me permet de parler de la maternité comme d’autre chose que d’un ‘cadeau de la vie’”
Avec sa formidable première série*, la réalisatrice et actrice explore la question de ce que signifie “être mère” à rebours des clichés. Et offre à Miou-Miou, qui incarne une femme encombrée de triplées quadras et enceinte à 70 ans, un rôle libérateur et inspirant. Elle nous en détaille les enjeux. Clélia Cohen
C’est votre première série: comment avez-vous appréhendé cette forme de narration nouvelle, plus ample?
J’ai beaucoup apprécié de pouvoir creuser les personnages. C’est jubilatoire de les inventer, de scruter leur intimité et de les faire se déployer ainsi, sur plusieurs heures de fiction. La série, c’est vraiment le lieu des personnages et de la famille.
Comment avez-vous eu cette idée de départ assez folle? En voyant à la une d’un tabloïd «Elle accouche à 70 ans»? Pas du tout! J’avais envie de raconter une femme qui voit ses trois filles quadras retourner vivre à la maison. Elle les a élesuis vées seule et arrive à un âge où elle peut enfin jouir de sa liberté, profiter d’un amoureux qu’elle vient de rencontrer. Il fallait une raison forte pour que ses filles reviennent «dans ses pattes». J’avais été marquée par le film de Jacques Demy, L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune, où Marcello Mastroianni fait une grossesse nerveuse. J’ai trouvé qu’il y avait là un enjeu fort de vie et de mort, moins triste qu’une maladie, et puis je trouvais l’idée d’une grossesse à 70 ans politiquement incorrecte: cela permettait de parler de la maternité comme d’autre chose que d’un «cadeau de la vie».
Vous êtes donc partie de l’envie de décortiquer des enjeux familiaux?
Oui. Quand on est mère, il y a une abnégation qui ne s’arrête jamais. Les enfants, c’est prenant ! J’en ai moi-même trois, je viens d’une famille de quatre et ma mère d’une famille de onze ! Avec mes soeurs, nous sommes nées sur une période de cinq ans et demi, je n’ai donc pas eu à chercher bien loin le sujet des triplées. Et même si j’ai glané des inspirations ailleurs, je me beaucoup inspirée de ma mère pour le personnage de Nona: elle aussi est libre et a une forte personnalité.
C’est un régal de retrouver Miou-Miou dans ce rôle. Qu’incarne-t-elle pour vous? Quelle idée du cinéma draine-t-elle? Comme Nona est une figure du quartier de la Goutte d’Or, à Paris, c’était important pour moi de trouver une figure que tous les Français connaissent. Je ne voulais pas que la star masque le personnage et la simplicité de Miou-Miou, son refus des règles du star-system et le sentiment de proximité que le public a vis-à-vis d’elle font qu’elle n’allait pas faire écran entre le personnage et le public. Elle n’est jamais venue aux Césars, mais je la voyais en revanche dans les manifs quand j’étais petite: indépendante, libre, elle a changé l’image de la femme dans le cinéma français en ringardisant le glamour avec son naturel, imposant aussi un nouveau rapport à la nudité.
(*) Nona et ses filles, avec également Clotilde Hesme, Virginie Ledoyen, Michel Vuillermoz… À partir du 2 décembre sur Arte, à 20h55, et sur arte.tv