Des soeurs à l’ouvrage
Nina Bouraoui, Adèle Haenel, Pénélope Bagieu, Laure Adler… Elles sont dix-huit à partager, dans cette
Bibliothèque féministe*, le souvenir des lectures qui, de Simone de Beauvoir à Virginie Despentes, leur ont ouvert les yeux et l’esprit. Un miracle de synthèse, souvent émouvant, qui invite à lire ou relire les textes phares de la cause.
Présentée par Agathe Le Taillandier, professeure de lettres agrégée et créatrice du podcast Le Book Club, ce recueil de textes signés pour l’occasion par des femmes – célèbres, pour la plupart – en hommage à d’autres femmes, toutes reconnues pour leur contribution à la cause féminine, donne un livre passionnant, intelligent, mais – rassurez-vous? – plus émotionnel qu’intellectuel. Même si l’on y apprend beaucoup de choses, sans qu’il s’agisse pour autant d’une bible exhaustive du féminisme. Plutôt de quelques coups de coeur pour des livres qui ont aidé ces dix-huit personnalités à se construire, et qui disent ici leur reconnaissance. Citons, parmi les signataires : Adèle Haenel, Laure Adler, Nina Bouraoui, Pénélope Bagieu, Alice Coffin, Assa Traoré, Titiou Lecoq, Alice Zeniter… Et d’autres, qui méritent aussi d’être lues.
DES LIVRES QUI SAUVENT LA VIE
Parmi les auteures phares qui ont contribué à repenser la place et le rôle des femmes: Virginie Despentes, avec sa première bombe, Baise-moi, libératrice pour la jeune Adèle Haenel tout juste sortie de l’adolescence, qui y trouvait «toute la violence et la colère dont je me sentais animée et que je n’osais pas dire ». Et, bien sûr, le fameux King Kong théorie. L’écriture de Despentes, ses mots sur le viol et la sororité furent, pour l’actrice, « une bouée » de sauvetage : « Je lui dois de m’avoir rendu la vie vivable quand j’avais envie de mourir.» Texte très émouvant aussi (et drôle) sur Mémoires d’une jeune fille rangée (voir aussi p. 110) et Le deuxième sexe de l’incontournable Simone de Beauvoir, par Titiou Lecoq, journaliste et écrivaine. Qui raconte que son obsession, à 14 ans, se résumait à ça: posséder des objets et vêtements de marque. Le « On ne naît pas femme, on le devient » de Beauvoir lui fit comprendre par quel bourrage de crâne la société transforme les femmes en objets, ce qui bouleversa la vie de la jeune Titiou : cette recherche consumériste de faux-semblants n’était qu’un effet de son isolement, lequel générait chez elle un besoin de rejoindre la norme et le troupeau: « Du jour où je rencontrai Simone, je ne fus plus seule…» Laure Adler, elle, nous parle de Marguerite Duras ; Nina Bouraoui, d’Annie Ernaux ; Marie Desplechin, de Françoise d’Eaubonne; Morgane Ortin, de Camille Claudel; Alice Zeniter, de Chris Kraus… Une mine pleine de pépites, brillantes et riches, en soutien et en complicité avec les lectrices. Lecteurs, ne restez pas hors jeu : vous avez tout à y gagner vous aussi…
(*) Une bibliothèque féministe, coédition L’Iconoclaste/Louie Media, 20,90 €.