AUX RACINES DU DÉSIR
Trois programmes audio pour interroger son éveil (ou son absence) chez les femmes, entre potions, injonctions à entrer dans une “norme” et conditionnements de la libido.
Y a-t-il un remède à la baisse de désir, quand le feu des premiers émois s’estompe? Un aphrodisiaque naturel? Un Viagra au féminin ? Une crème orgasmique? Pour en avoir le coeur net, la journaliste Pauline Verduzier a testé tout ce qui existe sur le marché ou presque dans Les molécules du désir (1). Du plus naturel, le maca en poudre, une boue «qui sent le foin, immonde à boire», à des « vitamines pour homme » vasodilatatrices. Pour le Viagra et les injections de testostérone, elle a recueilli des témoignages parlants. Et dépense un beau petit budget pour une enquête qui l’emmène loin des sex-shops (sans spoiler le troisième épisode). Qu’une trentenaire se tourne vers le marché des molécules à la recherche de la libido de ses 20 ans en dit long sur l’imbrication de nos désirs et du capitalisme. Au fond, c’est quoi une libido «normale»? Avoir tout le temps envie? Le faire deux fois par semaine ? Pourquoi les femmes culpabilisent-elles de ne pas être des marathoniennes du sexe, toujours disponibles et désirantes? Qui définit cette norme et au profit de qui? Dans le troisième épisode de La méthode (2), coécrit avec Léna Coutrot et Fanny Ruwet, Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter Les glorieuses, donne la parole à deux penseuses féministes. La passionnante Kristen Ghodsee, anthropologue spécialiste des pays de l’Est, est l’auteure du fameux Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme*. Elle explique comment « les désirs des femmes sont conditionnés par les systèmes économiques des pays dans lesquels elles vivent» et comment l’idéal romantique permet à la bourgeoisie de rester la classe dominante. De son côté, la philosophe Manon Garcia explique combien « le désir des femmes est codifié par la société patriarcale et le capitalisme». Réfléchir à son désir, à l’instar de Pauline Verduzier, c’est questionner ce qui relève vraiment de soi, de la norme sociale, de la place des femmes… Ce chemin, Aline Laurent-Mayard le raconte dans Free From Desire (3). S’interrogeant depuis des années sur son absence de désir et d’intérêt pour la sexualité, elle se définit, à 34 ans, comme « asexuelle et aromantique ». Dérangeant? Hors norme? Justement, ce questionnement radical pousse à revenir aux racines du désir. Sans enrichir les marchands d’aphrodisiaques.
(*) Éd. Lux.