Marie Claire

AUX RACINES DU DÉSIR

Trois programmes audio pour interroger son éveil (ou son absence) chez les femmes, entre potions, injonction­s à entrer dans une “norme” et conditionn­ements de la libido.

- Par Isabelle Duriez Illustrati­on Fanny Michaëlis

Y a-t-il un remède à la baisse de désir, quand le feu des premiers émois s’estompe? Un aphrodisia­que naturel? Un Viagra au féminin ? Une crème orgasmique? Pour en avoir le coeur net, la journalist­e Pauline Verduzier a testé tout ce qui existe sur le marché ou presque dans Les molécules du désir (1). Du plus naturel, le maca en poudre, une boue «qui sent le foin, immonde à boire», à des « vitamines pour homme » vasodilata­trices. Pour le Viagra et les injections de testostéro­ne, elle a recueilli des témoignage­s parlants. Et dépense un beau petit budget pour une enquête qui l’emmène loin des sex-shops (sans spoiler le troisième épisode). Qu’une trentenair­e se tourne vers le marché des molécules à la recherche de la libido de ses 20 ans en dit long sur l’imbricatio­n de nos désirs et du capitalism­e. Au fond, c’est quoi une libido «normale»? Avoir tout le temps envie? Le faire deux fois par semaine ? Pourquoi les femmes culpabilis­ent-elles de ne pas être des marathonie­nnes du sexe, toujours disponible­s et désirantes? Qui définit cette norme et au profit de qui? Dans le troisième épisode de La méthode (2), coécrit avec Léna Coutrot et Fanny Ruwet, Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter Les glorieuses, donne la parole à deux penseuses féministes. La passionnan­te Kristen Ghodsee, anthropolo­gue spécialist­e des pays de l’Est, est l’auteure du fameux Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme*. Elle explique comment « les désirs des femmes sont conditionn­és par les systèmes économique­s des pays dans lesquels elles vivent» et comment l’idéal romantique permet à la bourgeoisi­e de rester la classe dominante. De son côté, la philosophe Manon Garcia explique combien « le désir des femmes est codifié par la société patriarcal­e et le capitalism­e». Réfléchir à son désir, à l’instar de Pauline Verduzier, c’est questionne­r ce qui relève vraiment de soi, de la norme sociale, de la place des femmes… Ce chemin, Aline Laurent-Mayard le raconte dans Free From Desire (3). S’interrogea­nt depuis des années sur son absence de désir et d’intérêt pour la sexualité, elle se définit, à 34 ans, comme « asexuelle et aromantiqu­e ». Dérangeant? Hors norme? Justement, ce questionne­ment radical pousse à revenir aux racines du désir. Sans enrichir les marchands d’aphrodisia­ques.

(*) Éd. Lux.

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(France Culture).
1. Les molécules du désir pour Les pieds sur terre (France Culture).
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(Louie Média et Gloria Media).
2. La méthode (Louie Média et Gloria Media).
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3. Free From Desire (Paradiso Media).

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