Marie Claire

3 QUESTIONS

À HALIMATA FOFANA

- Propos recueillis par Catherine Durand

La jeune femme publie À l’ombre de la cité Rimbaud (1), un ouvrage qui fait suite à son documentai­re À nos corps excisés (2). À travers ce travail, elle poursuit le combat contre l’excision dont elle a été elle-même victime à 5 ans. Un traumatism­e dont elle nous parle.

Votre lutte contre l’excision n’a jamais cessé ?

Une petite fille est excisée toutes les quatre minutes dans le monde. Avec le repli sur soi et la fermeture des écoles dus à la pandémie, le nombre de mariages forcés et d’excisions a augmenté.

En France, on en parle beaucoup moins, comme si la loi interdisan­t l’excision (votée en 2006) avait réglé le problème…

Des jeunes filles, nées après la loi, ont pourtant subi l’excision, le plus souvent pendant des vacances au pays. Le tabou est tellement fort qu’elles n’en parlent pas, ou alors à un gynécologu­e, mais pas à la justice. À mon époque, des médecins, des enseignant­s ont fermé les yeux, pensant : c’est culturel, on en a déjà assez fait avec la colonisati­on, on n’en remet pas une couche. Mais face à une petite fille de 5 ans qui marche difficilem­ent, votre devoir est de lui demander ce qu’elle a, sinon vous vous rendez complice de ce crime.

Vous écrivez: “Un corps amputé reste un corps abîmé.” La chirurgie réparatric­e ne résout pas tout…

Le chirurgien m’avait dit: « En 40 min, c’est fait », mais la réalité est autre. Au-delà de cette amputation, cela renvoie à la manière dont vous avez été élevée. Si la sexualité est associée non pas au plaisir mais à la procréatio­n, avec l’obligation de «rester propre» jusqu’au mariage, votre corps est sale et le reconstrui­re est compliqué.

1. Éd. du Rocher, 16,90 €. 2. Réalisé par Anne Richard. À voir sur arte.tv

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