Marie Claire

Leila et ses frères, l’autre loi de Téhéran

Après son polar très réussi La loi de Téhéran, Saeed Roustaee livre une critique puissante de la société iranienne* à travers le combat d’une jeune femme face au patriarcat qui gangrène le pays.

- Par Emily Barnett

EST-IL POSSIBLE DE RENVERSER EN 2H45 DE CINÉMA

de lois machistes et patriarcal­es UN RÉGIME MILLÉNAIRE ? De faire voler toute une société traditiona­liste en éclats ? En compagnie de Leila, l’héroïne pugnace et courageuse d’un long métrage qui porte son nom, on est sommé d’y croire. Et pas seulement parce que le patriarche, en effet, meurt à la fin, dans une scène digne du trépas de Marlon Brando dans Le parrain. Après La loi de Téhéran, polar nerveux sur le narcotrafi­c en Iran, gros succès en salle de l’été 2021, Saeed Roustaee, nouveau jeune prodige de 32 ans du cinéma moyen-oriental, fait sauter les verrous d’un autre tabou de la société iranienne : les conflits virulents et irréconcil­iables qui déchirent, en secret, la sphère familiale, faute de céder autonomie et esprit d’initiative aux femmes.

UNE MISE EN SCÈNE REVIGORANT­E

En compétitio­n officielle au dernier Festival de Cannes, Leila et ses frères relate à ce titre la bataille de l’héroïne pour sortir ses quatre frères de la misère financière et s’opposer à l’avarice de son père, sorte d’horrible grippe-sou que le film a parfois la faiblesse de vouloir rendre attendriss­ant. Une lutte qui va révéler toutes les failles de cette maisonnée: sa précarité économique, ses mâles en crise (frères débonnaire­s ou obstinés à appliquer servilemen­t la loi paternelle), et surtout le rôle de figurante auquel on cherche à réduire celle qui s’impose pourtant comme l’unique pilier de la famille. Si le film a des côtés agaçants (scènes bavardes, cabotinage­s de comédiens rappelant parfois une mauvaise comédie italienne des années 50), il déploie une mise en scène ambitieuse et revigorant­e, au service de cette puissance féminine, sensibleme­nt interprété­e par Taraneh Alidoosti (l’actrice fétiche d’Asghar Farhadi.) Tourné quasiment à huis clos, cette tragicoméd­ie familiale est un miroir tendu à une société figée dans le passé, invitée à prendre, de toute urgence, le virage de la jeunesse et de la modernité.

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Leila (Taraneh Alidoosti).
(*) Leïia et ses frères, de Saeed Roustaee, avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadza­deh… En salle le 24août. Leila (Taraneh Alidoosti).

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