DES MOTS POUR (SE) RÉPARER
Trois programmes audio pour comprendre comment, à travers des récits intimes ou le témoignage d’une médecin, les mots peuvent devenir acteurs de la reconstruction des corps et des esprits meurtris.
NINA PAREJA EST LA PREMIÈRE PERSONNE à qui Julie a parlé. Entre ses 8 et 11 ans, elle a été sexuellement abusée par le père de sa copine, ami de ses parents. Elles ont 16 ans quand Julie se confie à Nina. Et c’est comme si un pacte de la parole les liait désormais. À 25 ans, Julie décide de porter plainte, Nina, journaliste et meilleure amie, l’accompagne, micro ouvert. Elle soutient, écoute et interroge des experts. Julie se bat, analyse, avance. Durant trois ans, elle raconte en direct sa reconstruction: le dépôt de plainte, l’accès au dossier, son audition par la justice, mais aussi la tendresse d’un amoureux, les massages, le secret révélé par sa mère, le calme de la mer… Au fil des sept épisodes, quelque chose se dénoue. L’émotion, refoulée par la petite fille, se révèle dans le récit et la vie de l’adulte. « Toute ma vie, j’ai attendu que quelqu’un vienne et me sauve, sans savoir que cette personne c’était moi », écrit-elle dans un long poème. Kintsugi (1), méthode de réparation à base d’or de porcelaines japonaises, est une longue traversée à laquelle il vaut la peine de s’accrocher. Qu’est-ce qui répare? «On pourrait être tenté de dire que la justice est plus importante que les autres expériences de réparation, mais quand on se libère de cette hiérarchisation, on trouve des espaces qui nous correspondent parfaitement », témoigne Julie. Cet espace, pour Arthur et Véronique, est dans le changement de leur nom de famille. Lui a subi les coups et la violence de son père. Entendre chaque jour son nom fait remonter des images traumatiques. Elle a été longtemps violée par son beau-père et a voulu reprendre le nom de sa mère. Dans Le nom des gens (2), Pauline Paillassa raconte les parcours des personnes en quête d’une nouvelle identité. Depuis le 1er juillet 2022, chacun·e peut faire une demande en mairie.
Cela peut aussi passer par l’écoute et l’intervention d’un médecin. Dans Réparer les violences (3), la gynécologue Ghada Hatem raconte comment elle guérit les mutilations sexuelles et reconstruit le clitoris. Pour restaurer l’intégrité du corps et redonner la possibilité du plaisir. « La réparation va bien au-delà du geste chirurgical », confie-t-elle. Chacun de ces chemins est une lueur d’espoir.