Marie Claire

Aloïse Sauvage, queer à l’ouvrage

- 110 Par Charline Lecarpenti­er

AVEC L’ANNULATION DE SA TOURNÉE, qui devait démarrer trois jours avant le premier confinemen­t, et la sortie étouffée de son album en février 2020, Aloïse Sauvage aurait pu prendre du plomb dans l’aile. Elle en a profité pour mieux se connaître et trouver un nouvel aplomb dans son flow. « Au tout début de mon parcours musical, j’étais encore en pleine découverte de moi-même. J’étais réservée sur beaucoup de choses, sur mon orientatio­n sexuelle, sur la question politique, car je faisais mon propre bilan », raconte-t-elle. « J’ai pris du recul en écrivant ces nouveaux titres car je n’étais pas dans l’effervesce­nce prévue. Mais j’ai gardé sur Sauvage les thématique­s d’affirmatio­n de soi, d’amour et de renaissanc­e », poursuit-elle au téléphone, très enthousias­te à la perspectiv­e de rendre ses nouvelles chansons publiques. « C’est un album qui n’a pas été supervisé, que j’ai réalisé en binôme avec mon ingénieur du son, ce qui fait une différence énorme par rapport au précédent. Il est plus proche de mes envies de départ », explique la musicienne, signée chez Universal. Depuis qu’elle a été révélée à l’écran dans 120 battements par minute (2), elle est sollicitée pour les rôles de militantes. En un an, on l’a vue dans le téléfilm de Noël Christmas Flow (3), dans le film Placés (4) et dans la série Stalk (5) de France TV. Si ses personnage­s sont souvent engagés, elle a réalisé, en tant que femme queer, que parler de sa vie intime dans ses chansons relevait là encore d’un acte politique et a appris à l’assumer: « Si tout le monde devient un porte-drapeau, alors il n’y en aura plus besoin. Pour que cela se normalise, il faut que des gens comme moi s’expriment. » LE COMBAT FÉMINISTE DE SA GÉNÉRATION

Sur le single Crop top, elle ne mâche pas ses mots : « Mâle dominant, pour qui tu te prends ? Lundi au dimanche, vas-y, redescends (…) Comment est-on encore bloqués dans le monde d’avant ? (…) L’égalité avec toi, mon ami, mon amant. » Écrit par l’équipe d’Aya Nakamura, dont on sent l’influence sur tout l’album, le titre avait été composé avant le mouvement du #Lundi14sep­tembre des collégienn­es et lycéennes pour dénoncer les codes vestimenta­ires sexistes à l’école et les saillies de Jean-Michel Blanquer et Emmanuel Macron sur les tenues « républicai­nes ». « J’avais peur que ce ne soit qu’un coup de colère passager pour moi, puis je me suis rendu compte que c’était toujours d’actualité. J’avais envie d’un morceau joyeux, sans oublier le message. » Si l’album évoque largement le combat féministe de sa génération, il aborde aussi sa sortie du tunnel sur Soulages et son évolution sur Moi demain, composé comme un poème mis en musique avec un quatuor à cordes. « Faire danser des gens sur sa dépression, il n’y a rien de plus beau », explique-t-elle. Mais que l’on se rassure, avec elle, on broie plutôt de l’espoir que du noir.

1. Sauvage (Capitol). 2. De Robin Campillo. 3. D’Henri Deubeurme. 4. De Nessim Chikhaoui. 5. De Simon Bouisson.

En résidence deux ans au Mad, dans une aile du Louvre, le groupe pose pour ses photos de presse devant la cour du palais. Comme un selfie de touristes dans une capitale dont ils sont pourtant devenus les ambassadeu­rs musicaux, et cela avec constance depuis l’album United, sorti en 2000.

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