Marie Claire

Tout le monde aime Jeanne, cinquante nuances de Blanche

- Par Emily Barnett

ON EST OBLIGÉ·E DE LE RECONNAÎTR­E: même après avoir souri à son total look zadiste dans Problemos (d’Éric Judor), apprécié plus récemment sa présence dans Effacer l’historique (de Gustave Kervern et Benoît Delépine) ou France (de Bruno Dumont), il manquait encore à nos yeux un grand rôle pour achever la mue de Blanche Gardin d’humoriste en comédienne. Peut-être parce que sa présence toujours dissonante n’est pas passe-partout et qu’il n’est pas donné à tous les cinéastes de savoir la filmer. La plupart l’ont choisie pour son sens de l’humour abrasif, son petit air cruel de fillette qui aime torturer les mouches. Mais Céline Devaux l’a clairement élue héroïne de son premier long métrage pour d’autres raisons et désormais, grâce à elle, on sait qu’il y a une mélancolie Blanche Gardin, ainsi qu’une douceur et un sex-appeal.

HUMEUR SPLEENÉTIQ­UE ET HUMOUR ABSURDE Ingénieure écolo frappée par un deuil, Jeanne décide de quitter Paris pour s’installer à Lisbonne où est mis en vente l’appartemen­t de sa mère décédée. Elle pense laisser derrière elle des dettes à foison et une tristesse tenace. Mais sur place, elle se cogne contre des fantômes (ex-boyfriend, souvenirs d’enfance…) et un vieux copain de lycée bizarre et envahissan­t – irrésistib­le Laurent Lafitte. Surtout, Jeanne ne parvient pas à échapper à ellemême – cette petite voix que la réalisatri­ce a eu la drôle d’idée d’illustrer par des images d’animation. Ce « surmoi » qui nous titille, prompt à l’auto-dénigremen­t, on le reconnaît tou·tes… Dans la veine des comédies grinçantes écloses dans les années 90 – de Sophie Fillières à Valeria Bruni Tedeschi –, Tout le monde aime Jeanne traite des tourments existentie­ls d’une quadra en déprime avec un mélange de drôlerie et de gravité, d’humeur spleenétiq­ue et d’humour absurde et cocasse. Dans cet entre-deux, Blanche Gardin n’en fait jamais trop, ne surjoue pas la mauvaise humeur et réussit à ménager dans son quant-à-soi soupe au lait des moments de fragilité qui la rendent belle et attachante. La meilleure version d’elle-même.

De Céline Devaux, avec aussi Laurent Lafitte, Maxence Tual, Marthe Keller, Nuno Lopes… En salle le 7 septembre.

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Jean (Laurent Lafitte) et Jeanne (Blanche Gardin).

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