STELLA JEAN
La créatrice italo-haïtienne oeuvre à plus d’éthique, de responsabilité et de diversité dans l’industrie de la mode. Elle nous explique comment. Vicky Chahine
Depuis vos débuts, vous oeuvrez pour plus de diversité dans la mode italienne. Quel regard portez-vous sur le multiculturalisme dans votre pays? L’Italie tend malheureusement vers l’extrême droite… Si les créateur·rices BIPOC (Noir·es, autochtones et personnes de couleur) venu·es de l’étranger sont accepté·es, celles et ceux qui travaillent en Italie sont invisibilisé·es. En 2020, j’ai décidé d’arrêter de défiler pendant la Fashion Week milanaise tant qu’il n’y aurait pas d’autres designers noir·es inscrit·es au calendrier officiel.
Vous êtes finalement revenue lors de la dernière Fashion Week en invitant des créateur·rices lors d’un défilé… Dans le cadre de notre plateforme WAMI (We Are Made in Italy), nous avons organisé un grand défilé en collaboration avec Edward Buchanan, qui a travaillé chez Bottega Veneta. Quinze autres designers ont pu ainsi présenter leur collection. La Camera Nazionale della Moda Italiana nous a soutenu·es en nous prêtant un lieu pour défiler. On ne nous fait pas de place donc nous devons créer nous-mêmes cet espace.
Comment les questions de diversité ont évolué ces dernières années?
Je remarque plus de multiculturalisme sur les podiums ou dans les séries mode mais plus qu’une représentation visuelle, nous avons besoin d’une égalité en termes de responsabilités et de rémunérations. Je suis née dans l’Italie du début des années 80, seule fille à la peau noire de mon école. J’ai toujours eu à coeur de montrer qu’il fallait envisager les différences comme une opportunité.
Quel rapport la mode a-t-elle avec l’Afrique, que vous évoquez souvent? L’Afrique reste trop souvent une image sur un moodboard. Le continent doit devenir un partenaire créatif et être intégré dans l’élaboration des collections. Si une marque trouve le chapeau kenyan inspirant, qu’elle ne le réplique pas mais qu’elle le fasse plutôt confectionner par des artisans sur place.
En tant que créatrice, comment incluezvous la diversité dans vos collections? Il est plus facile de se servir de la beauté pour capter l’attention, puis de raconter son histoire. La diversité est présente dans ma mode puisque je suis le fruit de cultures italienne et haïtienne. En parallèle d’une production en majorité italienne, nous collaborons avec des artisanes d’un pays qui change chaque saison: Haïti, Bénin, Pérou... Nous nous associons avec une communauté de femmes pour mêler leurs techniques ancestrales avec un design italien afin de toucher un marché international. Les marques investissent des milliards pour apprendre à être responsables alors qu’il suffit de regarder ces femmes qui créent avec ce dont elles disposent, qui transforment tout et ne gâchent rien.