Marie Claire

CHRISTOPHE HONORÉ

- Par Marina Rozenman

Le réalisateu­r*, metteur en scène et écrivain se souvient de l’appartemen­t familial dans les Côtes-d’Armor. Des nuits de fête “un peu clandestin­es” chez les amis de ses parents et du village englouti sous le lac de Guerlédan où son père l’emmenait en virée…

“J’AI 6 ANS. ET DE TOUTE ÉVIDENCE, CE DOIT ÊTRE LE MOIS DE JANVIER PUISQUE C’EST LA GALETTE DES ROIS. Nous sommes à Rostrenen, petite ville de trois mille habitants, en Centre-Bretagne, où nous habitions alors dans un appartemen­t rue de la Marne, au-dessus d’un très grand magasin de vêtements dans lequel je passais énormément de temps à fouiller (j’avais le droit de monter au grenier) ou à traîner dans les pattes des vendeuses – l’une s’appelait Simone. Le week-end, les Bournot, des grands amis de nos parents, organisaie­nt beaucoup la fête. Des fêtes qui duraient assez longtemps, en rez-dechaussée. Du coup, nous, les enfants, nous n’arrêtions pas de rentrer, de sortir. De nous balader. Les gens se chauffaien­t beaucoup au feu de cheminée donc j’associe toujours ces nuits, un peu clandestin­es, à cette odeur de bois. Je me revois aussi les dimanches, sur le lac de Guerlédan. Un lac artificiel en dessous duquel se trouve un ancien village que l’on peut visiter, je ne sais pas… tous les dix ans? Lorsqu’il est vidangé. Mon père avait un tout petit bateau à moteur et j’essayais de discerner, à travers l’eau, les ruines – les maisons, la chapelle, etc. – de cette cité engloutie. Enfin, ce qui est étrange, sur cette photo – dont je ne me souvenais vraiment pas avant que ma mère ne me l’envoie hier –, c’est ce geste de mon père. Intérieure­ment, je dois d’ailleurs être plus ravi par le fait qu’il me désigne en vainqueur que par ma couronne sur la tête… Et je ne suis pas du tout en train de “pigner” (pleurniche­r, ndlr) – je ne doute pas qu’il était fier de ses enfants –, mais voilà. Demeure et règne, aujourd’hui, ce sentiment que nous n’étions pas – pour lui –, à la hauteur. À la hauteur de quoi, je ne sais même pas… Quand mon père meurt, j’ai 15 ans. Il était notre pilier mais, accaparé par son travail, il nous manquait, déjà. Et l’on sait bien que la mémoire reconstrui­t mais je pense que j’ai vécu une enfance intense avec des épiphanies de joie permanente­s. Comme si… je savais qu’il fallait en profiter. »

(*) Le lycéen, avec Paul Kircher, Vincent Lacoste, Juliette Binoche… En salle le 30 novembre.

“C’est la galette des rois. (…) Ce qui est étrange, c’est ce geste de mon père. Intérieure­ment, je dois d’ailleurs être plus ravi par le fait qu’il me désigne en vainqueur que par ma couronne sur la tête…”

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Avec son père, en 1976, à Rostrenen.

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