Les Amandiers, vibrant théâtre de nos 20 ans

En mettant en scène ses années de formation au mythique théâtre-école des Amandiers de Nanterre, Valeria Bruni Tedeschi signe une chronique virevoltante de la jeunesse dans les années 80. Un pur concentré d’émotions. Emily Barnett

de nombreux REPRÉSENTER LA SCÈNE À L’ÉCRAN, cinéastes l’ont déjà fait. John Cassavetes avec Opening Night, François Truffaut et Le dernier métro… Mais peut-être pas avec la même joie contagieuse que Valeria Bruni Tedeschi, heureuse ici de replonger dans les tourbillonnantes années de sa jeunesse, quand le désir, l’amitié, l’art, le théâtre, la vie, se confondaient dans un même maelström d’émotions. Les Amandiers est une lettre d’amour définitive. Une bouteille à la mer jetée vers un lieu (le prestigieux Théâtre des Amandiers de Nanterre, également école pour jeunes comédien·nes) et son homme-totem, le metteur en scène Patrice Chéreau (joué par le bel et ombrageux Louis Garrel), dans les années 80. À travers son alter ego Stella (la solaire Nadia Tereszkiewicz), on suit la vie de cette petite troupe d’actrices et d’acteurs aussi joviale que gracieuse et parfois agaçante.

IL Y A UN ART DE LA PITRERIE CHEZ LA RÉALISATRICE, un plaisir à mettre les pieds dans le plat. Valeria, grand clown triste ? Les personnages tombent, craquent, pleurent, crient et se trompent beaucoup. Ils plongent dans l’héroïsme du quotidien. La vie est une aventure. Parfois sublime, d’autres fois tragique (nous sommes en pleine décennie de la drogue à gogo et de l’arrivée du sida). Stella tombe amoureuse – mais Étienne, jeune acteur surdoué, a un très net penchant pour l’autodestruction – et ce n’est pas son genre de changer de cavalier. Alors elle trinque en même temps qu’elle se met à nu sur scène. D’ailleurs, où s’arrête la scène quand commence la vie ? Valeria Bruni Tedeschi filme tout d’un seul tenant. Un seul torrent de rires et de larmes. Fiction, réel, on ne sait plus ce qu’on regarde, sinon une jeunesse en transe. Un art vivant. Le portrait d’une époque et peut-être, comme une ombre fantomatique, celui de nos 20 ans enfuis.

(*) De Valeria Bruni Tedeschi, avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel… En salle le 16 novembre.