Marie Claire

“JE SÈME DES ENGRAIS DANS LE JARDIN DE MASAMI CHARLOTTE VERTS POUR RETENIR LE CARBONE DANS LE SOL”

- Photo Fred Lahache

Chaque mois, la floricultr­ice Masami Charlotte Lavault partage un enseigneme­nt de son jardin parisien*, situé au coeur de Belleville. En novembre, elle nous recommande de planter glycine, pois de senteur, trèfle, giroflée et autres “puits de carbone” dont la terre a tant besoin pour se régénérer.

«On le sait, il y a trop de carbone dans l’atmosphère. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il n’y en a pas assez dans le sol, où il est utile. On imagine le carbone atmosphéri­que sorti de pots d’échappemen­t et de hauts fourneaux. Mais on imagine mal qu’il puisse émaner de nos sols. Pourtant, au cours des derniers siècles, la conversion de prairies et forêts en terres cultivées a entraîné la libération massive dans l’atmosphère de carbone stocké dans le sol. On estime qu’en trois siècles, à cause de l’activité humaine, les sols ont perdu entre 42 et 78 gigatonnes de carbone. Cette échappée fait de l’agricultur­e l’un des monstres d’émission de gaz à effet de serre, puisqu’elle génère environ un tiers des émissions globales. C’est par les plantes que le carbone pénètre dans le sol: lors de la photosynth­èse, les végétaux captent le CO2 ambiant de l’air et le subliment en nutriments carbonés. À la mort de la plante, une bonne partie de ce carbone est ingérée par les micro-organismes, et rendue disponible pour d’autres végétaux. Un sol nu, sans couvert végétal et sans vie microbiolo­gique équilibrée, est un sol qui ne captera pas de carbone à son plein potentiel. À la ferme, pour assurer cette absorption permanente, je sème en novembre des engrais verts. Un mélange de trois familles de plantes efficaces pour séquestrer les nutriments: une graminée (seigle), une brassicacé­e (moutarde) et une légumineus­e (féverole), qui vont couvrir le sol toute la saison froide, puis seront broyées et laissées sur la surface pour se décomposer et nourrir (en carbone) les micro-organismes du sol. Au jardin d’ornement, on peut installer une sélection plus pérenne de ces plantes “puits de carbone” : avoine, Carex, Miscanthus, cheveux d’ange (Stipa Tenuissima), amourette (Brisa Media) pour les graminées ; glycine, trèfle, pois de senteur, lupin, mimosa pour les légumineus­es, et giroflée, julienne des dames, chou ornemental pour les brassicacé­es. Rétablir et protéger ces stocks de carbone géosphériq­ue mondiaux permettrai­t de compenser jusqu’à 5,5 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an. Ce n’est pas une panacée, car avant de compenser nos émissions, il faut surtout les réduire. Mais cette bataille de la séquestrat­ion végétale de carbone est un front, et tout sol mérite de vivre. »

(*) pleinair.paris

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Glycine tubéreuse du jardin de Masami Charlotte Lavault.
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