LE SENS DE LA MODE SELON MARGARET HOWELL
Ses intemporels chics et fluides, marqués par l’histoire du style british, ont fait d’elle une créatrice iconique. C’est pourtant loin des fashion weeks, au grand air, que celle qui se vit avant tout comme une “conceptrice de vêtements” puise une partie de son inspiration. Elle nous explique pourquoi.
D’où vient votre quête du beau vestiaire durable ?
Petite, ma garde-robe était cousue par ma mère et nos meubles, chinés. Pour des raisons économiques mais aussi parce que, dans ma famille, on valorisait la qualité de la confection. Cette culture m’a suivie à l’adolescence. Je réalisais mes vêtements à partir de patrons, souvent ceux du magazine français Jardin des Modes, que je préférais aux coupes anglaises. J’ai toujours nourri une fascination pour la France. À 15 ans, j’ai économisé des mois pour m’offrir une chemise Cacharel !
Où puisez-vous vos inspirations lorsque vous créez une nouvelle collection?
Je suis une femme d’extérieur. J’aime les grands espaces déserts, je suis fascinée par les textures de la nature. Je vis toujours dans le quartier vert de Blackheath, près de Londres. Le vestiaire fonctionnel, pensé pour le grand air, a nourri mon esthétique. Je m’inspire aussi du passé, des vêtements de mes parents et grands-parents. Je me souviens encore de la découverte d’une chemise ancienne à fines rayures qui m’a donné envie de me lancer dans les années 70. Je cherche à twister cette inspiration nostalgique pour l’actualiser.
Comment choisissez-vous vos collaborations avec d’autres maisons? Pour l’été prochain, nous avons travaillé une nouvelle fois avec Fred Perry. C’est un honneur de s’associer avec cette marque créée par un joueur de tennis que, petite fille, je regardais sur le terrain à Wimbledon depuis mon poste de télévision. Cet hiver, nous avons lancé une nouvelle collection avec Mizuno. Les pièces sportswear en nylon léger Bergtech développé par la marque japonaise contrastent avec les tissus texturés naturels utilisés dans nos collections.
Comment vous situez-vous par rapport à la scène créative anglaise?
Je suis toujours interloquée que l’on me considère créatrice de mode! Je me perçois plus comme une conceptrice de vêtements. J’apprécie la mode que l’on voit dans les pages des magazines mais mon approche est différente. Je cherche à dessiner des vêtements pour la vie quotidienne en choisissant la matière et la coupe les plus adaptées à leur fonction. Je me sens plus proche de la démarche d’un designer comme Dieter Rams, père du design industriel qui a créé un système d’étagères pour Vitsoe aussi versatile que minimaliste, encore plébiscité aujourd’hui.
Depuis le Covid, vous n’avez pas repris les shows, est-ce parce que le format ne vous convient pas?
C’est une industrie où, pour exister, il faut communiquer tous les six mois sur les nouvelles collections. C’est pertinent pour un créateur qui imagine des thèmes différents chaque saison ou des pièces extravagantes, moins pour moi qui cherche à confectionner des habits de la meilleure manière. Nos produits ne changent pas complètement d’une collection à une autre, ils évoluent, leur coupe s’affine, leurs couleurs changent. À mes débuts, les gens cherchaient des tenues formelles, aujourd’hui, plus personne ne possède un vestiaire dédié exclusivement au milieu professionnel. Je travaille de façon intuitive, influencée par des expositions ou des ouvrages ainsi que les évolutions de la société.