TIC TOC LES SMARTPHONES AU RESTAURANT
«Intérieur nuit. Un couple s’installe dans un néobistrot aux critiques élogieuses. Pour un moment de partage, de rires et de confidences probablement. Pourtant, sans s’adresser la parole, chacun sort un petit objet lumineux, scanne le menu sur un QR code, grogne car “le réseau déconne”, plonge le nez dans son écran. À chaque plat c’est la même rengaine, ils chopent leur pernicieux compagnon, shootent sous toutes les coutures les plats qui s’enchaînent, refroidissent, trépassent sous l’objectif, repartent dans les mains de serveurs auxquels ils n’ont pas le loisir de jeter un regard. C’est un fait: en 2023, 40 % des gastronomes ne peuvent s’empêcher de consigner leur pitance dans l’album souvenir de leur téléphone, quand ils ne la postent pas immédiatement sur leurs réseaux sociaux et autres conversations WhatsApp sur lesquelles des tiers s’extasient de visuels qu’ils viendront eux-mêmes plus tard immortaliser (manger peut-être?). “Last but not least”, l’appli Sunday, qui permet de payer son addition vite fait depuis son smartphone, donner un en clic un pourboire au dit serveur dont on n’a pas croisé le regard, séduit un nombre croissant de pros du secteur (six mille établissements conquis en un an). Pourtant, en 2019, le festival Taste of Paris avait sondé son public, lequel se disait agacé à 69 % par l’utilisation du portable au restaurant, qui éloigne de la fonction originelle de la taverne: le partage, le goût, l’instant présent. Un mouvement sans retour? En janvier dernier, un irréductible restaurateur du Tarn lançait le “No Phone January”, offrant à ses clients aux mains libérées un café ou un digestif pour les récompenser. 90 % d’entre eux auraient joué le jeu. Et si c’était la bonne idée?»